La Traque des Bannis
Évidemment, Will et Horace ne racontèrent pas que, lors de cet épisode, Halt portait le casque du Loup des mers en question, ni qu’il était sous la protection d’Erak, le futur Oberjarl des Skandiens. Ainsi, le capitaine pensa que le petit individu grisonnant qui s’agrippait en ce moment même au bastingage de son navire s’était tout simplement emparé du casque d’un immense Skandien et y avait vomi – un acte qui, en temps normal, aurait été suicidaire.
— Et le Skandien, comment a-t-il réagi ?
Will haussa les épaules.
— Il lui a présenté ses excuses. Qu’aurait-il pu faire d’autre ?
Le capitaine jeta un coup d’œil incrédule vers Halt, puis dévisagea Will. Était-il possible que celui-ci le fasse marcher ? Non, le jeune Rôdeur semblait très sérieux. L’homme déglutit avant de décider qu’il valait mieux laisser Halt en paix.
— Voile en vue !
Le cri venait du poste de vigie. D’instinct, Will, Horace et le capitaine levèrent les yeux. Le marin tendait le bras derrière eux, en direction du sud-est. Ils distinguèrent d’abord au loin une masse de brume marine, puis une forme sombre aux contours plus définis.
— Tu peux le décrire ? lança le capitaine à la vigie.
L’homme plissa les yeux et porta sa main en visière.
— Six rames par côté… et une grand-voile carrée. Il se dirige vers nous à toute allure. Et il gagne du terrain !
Le navire avait le vent en poupe et ses rameurs devaient redoubler d’efforts. Il allait si vite qu’il serait bientôt en mesure de doubler Le Moineau . Il n’y avait aucun moyen de le distancer.
— Tu le reconnais ? demanda le capitaine.
Après un instant d’hésitation, la vigie répondit :
— Je crois que c’est La Griffe , le bateau d’O’Malley le Noir !
Will et Horace échangèrent un regard inquiet.
— Halt avait raison, déclara le premier.
****
Le matin qui avait suivi la confrontation avec O’Malley dans la taverne, Halt avait réveillé ses deux compagnons de bonne heure.
— Debout, avait-il ordonné. Nous retournons à Fingle Bay.
— Et le petit déjeuner ? avait grommelé Horace en connaissant déjà la réponse.
— Nous mangerons en chemin.
— J’ai horreur de ça, avait protesté le jeune guerrier. Cela me pose des problèmes de digestion.
Malgré tout, il avait l’habitude de se préparer rapidement, tout comme Will. Les deux jeunes gens s’habillèrent, rassemblèrent leurs affaires et leurs armes, puis Halt vérifia qu’ils n’avaient rien oublié.
Après avoir payé l’aubergiste, ils se rendirent à l’écurie, où leurs montures les accueillirent avec un petit hennissement.
— Halt, pourquoi Fingle Bay ? demanda Will une fois qu’ils furent en route.
— Nous avons besoin d’un bateau.
Le jeune Rôdeur jeta un regard par-dessus son épaule, vers la ville qu’ils venaient de quitter. Ils étaient presque arrivés au sommet de la colline, d’où la forêt de mâts était parfaitement visible.
— Il y en avait à Port Cael, fit-il observer.
Halt le dévisagea du coin de l’œil.
— En effet, mais O’Malley s’y trouve aussi. Il connaît déjà notre destination. Je n’ai pas envie qu’il sache quand nous embarquerons.
— Vous pensez qu’il essaiera de nous en empêcher ? s’enquit Horace.
— J’en suis convaincu, répondit le vieux Rôdeur. Mais s’il ignore tout du moment que nous choisirons pour partir, nous réussirons peut-être à lui fausser compagnie. Par ailleurs, les armateurs de Fingle Bay sont un peu plus honnêtes que dans ce nid de contrebandiers et de voleurs.
— Un peu plus, seulement ? s’étonna Will en réprimant un sourire.
Halt avait peu d’estime pour les capitaines en général – sans doute parce qu’il détestait prendre la mer.
— Les armateurs ne le sont jamais assez, répliqua Halt d’un ton maussade.
À Fingle Bay, ils s’étaient arrangés avec le propriétaire du Moineau , un navire de commerce suffisamment grand pour les accueillir, leurs chevaux et eux. Lorsque le capitaine avait appris où ils souhaitaient se rendre, il avait froncé les sourcils.
— La rivière Craiskill ? C’est un véritable repaire de contrebandiers. L’endroit est malgré tout facilement abordable. C’est certainement pour cette raison qu’il est si fréquenté. Mais pour aller jusque là-bas, je veux un bon pourboire.
Sa requête était raisonnable : si le capitaine prenait des risques en les emmenant là-bas, il était
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