La Traque des Bannis
et en chercha ensuite de plus grosses, qu’il coupa à l’aide de sa hache. De temps à autre, Horace s’interrompait pour jeter un coup d’œil en direction du campement. Il distinguait sans mal la silhouette allongée près du feu, même s’il était peu probable qu’il puisse entendre un appel à une telle distance.
Quand il eut assez de petit bois ainsi qu’une réserve de bûches plus grosses, qui mettraient du temps à se consumer au fil de la nuit, il plaça le tout dans la toile, laquelle était munie de deux poignées de corde qu’il prit d’une main. Puis il rebroussa chemin d’un pas lent.
Halt dormait encore ; apparemment, il n’avait pas bougé pendant la demi-heure d’absence du jeune guerrier. Au fond de lui, Horace avait nourri l’espoir insensé que, à son retour, il retrouverait Halt guéri – ou, du moins, en voie de guérison. À la vue du vieux Rôdeur immobile, silencieux, son cœur se remplit de tristesse.
Morose, il s’accroupit pour ajouter quelques bouts de bois sur les braises qu’il attisa ; bientôt, de minuscules flammes léchèrent les brindilles, puis atteignirent les bûches. Il ramassa le pot et mit de l’eau à bouillir. Il prit la bourse de coton dans laquelle ils gardaient leur réserve d’herbes aromatiques, la soupesa et constata qu’elle était à moitié vide. Le jeune homme ne savait où ils trouveraient à la remplir dans une région aussi déserte.
— Mieux vaut l’économiser, dit-il à haute voix, comme il en avait pris l’habitude depuis le départ de son compagnon, sachant que personne, après tout, ne pouvait l’entendre. Sinon, Will n’aura pas de tisane à son retour.
Une fois que l’eau fut bouillante, il mesura une petite quantité d’herbes – moins qu’à l’accoutumée – dans la paume de sa main et les jeta soigneusement dans le pot. Il plaça ensuite ce dernier à l’écart des flammes afin que le breuvage infuse. Déjà, un arôme reconnaissable entre tous s’en dégageait.
Plus tard, Horace se demanda si ce n’était pas cette odeur, justement, qui avait tiré Halt de son sommeil. C’était le cas, à en croire les premières paroles du Rôdeur :
— Quand la tisane sera prête, j’en prendrai bien une tasse.
Le jeune chevalier, stupéfait, fit volte-face. La voix de Halt lui semblait moins affaiblie et plus optimiste que la dernière fois qu’il lui avait parlé. Horace s’approcha de lui et prit sa main dans la sienne.
— Halt ! Vous êtes donc réveillé ! Comment vous sentez-vous ?
Le Rôdeur ne répondit pas tout de suite. Il scruta le jeune homme penché au-dessus de lui et tenta de soulever sa tête avant de la laisser retomber.
— Qui es-tu ? s’enquit-il. J’ai la vue brouillée. J’ai dû prendre un coup sur la tête, pas vrai ?
— C’est moi, Horace. Non, vous n’avez pas reçu…
Mais il ne put poursuivre, car Halt l’interrompit ; le découragement s’empara alors du guerrier, qui comprit que l’esprit du vieux Rôdeur, malgré la vitalité qui perçait dans sa voix, était beaucoup plus confus que lors de son précédent réveil.
— C’était ce maudit Thorgan, pas vrai ? Avec son gourdin. Je ne l’ai pas vu arriver derrière moi.
Sous le choc, Horace eut un léger mouvement de recul. Thorgan ? Il avait déjà entendu ce nom : il était encore enfant alors et vivait à l’orphelinat du château de Montrouge. Le guerrier se souvenait de ce récit de bravoure et de loyauté qui circulait à travers le royaume et qui, à l’époque, avait permis de consolider la réputation désormais légendaire de l’Ordre des Rôdeurs.
Thorgan le Pillard, qui ne se séparait jamais de son gourdin massif, était un abominable brigand qui avait semé la terreur dans le nord-est d’Araluen des années plus tôt. Sa bande d’assassins attaquait et tuaitles voyageurs, et pillait même de petits villages, volant et brûlant tout sur leur passage.
Halt et Crowley, qui venaient de réorganiser l’Ordre des Rôdeurs dans le but de lui donner un nouvel essor, avaient juré d’éradiquer la bande de Thorgan et d’amener ce dernier devant le roi Duncan pour être jugé. Mais lors d’un combat interminable qui s’était déroulé dans une forêt, trois des hommes de Thorgan avaient tendu une embuscade à Crowley, qui avait dû les affronter seul. Halt avait volé à son secours : il était parvenu à abattre deux des bandits et à blesser le troisième d’un coup de couteau ; cependant, il
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