La Traque des Bannis
Certes lentement, mais il respirait.
Le jeune guerrier fondit en larmes. Était-ce de peur ? D’angoisse ? Ou de soulagement, peut-être, à la vue de son compagnon encore en vie.
Sans doute était-ce pour ces trois raisons à la fois.
Épuisé, courbé sur sa selle, Will tira sur les rênes d’Abelard. La chevauchée nocturne n’était plus qu’un souvenir confus dans son esprit ; il lui avait fallu maintenir un rythme précis, sans répit : deux heures de trot rapide et régulier, discipliné, puis un quart d’heure de marche auprès des chevaux, et enfin changer de monture pour repartir à la même cadence. Le jeune Rôdeur avait marqué deux brèves haltes, mais sans dormir. Ces pauses l’avaient quelque peu revigoré, lui permettant en outre de détendre son corps courbaturé. Chaque fois qu’il se remettait en selle, il souffrait l’agonie pendant quelques minutes, puis s’habituait de nouveau à cet inconfort.
Son voyage touchait à sa fin – du moins, la première partie de celui-ci. À sa gauche, il apercevait le massif château de MacIndaw. À sa droite, l’orée sombre du bois de Grimsdell.
Will fut presque tenté de se rendre d’abord au château où, il le savait, il serait bien accueilli. On lui préparerait un repas chaud, un bon bain et un lit moelleux. Il jeta un coup d’œil à Abelard, exténué, la tête basse. Folâtre, qui n’avait pas eu à porter de cavalier depuis deux heures, paraissait un peu plus vaillant, mais il était fatigué. Même Caracole devait être éreinté. Au château, on s’occuperait aussi des chevaux, qui seraient nourris, abreuvés et installés dans les écuries.
Ensuite, Will pourrait envoyer un message à Malcolm ; Orman, le seigneur de MacIndaw, avait certainement un moyen de contacter le vieux guérisseur, songea le jeune Rôdeur. Quel mal y aurait-il à prendre quelques heures de repos ?
La tentation était si grande qu’il en vacilla – littéralement. Il se rendit soudain compte qu’il lui était de plus en plus difficile de garder les yeux ouverts. D’une seconde à l’autre, il pouvait vider les étriers et, une fois qu’il serait étendu sur l’herbe, il n’aurait probablement pas la force ni le courage de se relever.
Il se secoua en clignant rapidement des paupières : il devait à tout prix lutter contre l’assoupissement qui menaçait de l’engloutir.
— Non ! lança-t-il tout à coup.
Abelard, surpris, releva la tête et dressa les oreilles. Il n’était pas aussi fatigué qu’il le paraissait, comprit Will. Le cheval se contentait de conserver son énergie au cas où il lui faudrait fournir d’autres efforts.
Au fond de lui, Will se doutait que s’il se rendait au château, il serait retardé – de quelques heures, voire davantage. Il lui faudrait expliquer ce qui l’amenait à MacIndaw, répondre à des centaines de questions et enfin convaincre Orman d’envoyer un messager dans le bois de Grimsdell – à supposer que le dit messager sache se rendre à la chaumière de Malcolm. Par ailleurs, comment ferait-il pour persuader le guérisseur de l’urgence de la situation ? Mieux valait donc que Will y aille lui-même : il restait peu de temps à Halt. Et si le vieux Rôdeur mourait, simplement parce que son ancien apprenti avait voulu passer la nuit sur un matelas de plumes ? C’était impensable.
Will avait pris sa décision. Et même si Malcolm montrait des réticences ou refusait de chevaucher durant deux jours pour aller porter assistance à quelqu’un qu’il n’avait jamais rencontré, le jeune Rôdeur n’hésiterait pas à le saisir par le col et à le forcer à l’accompagner.
Il prit la direction du bois de Grimsdell. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas venu dans ces parages, mais peu à peu, il reconnut des repères familiers. Le lieu où Alyss et lui s’étaient retrouvés avant de partir à la recherche du repaire de Malcolm. Ou plutôt de Malkallam, ainsi qu’ils le surnommaient à l’époque. Au-delà de la lisière desarbres, il aperçut la petite clairière où il avait attendu Jack Buttle, l’assassin, qu’il avait blessé d’une flèche sans parvenir à le tuer.
— J’aurais dû viser plus haut, marmonna-t-il.
Abelard dressa les oreilles. Que dis-tu ? semblait-il lui demander. En l’absence de Halt, le petit cheval avait visiblement décidé de communiquer avec Will. Ou bien ce dernier commençait à mieux le connaître et parvenait à deviner plus précisément ce
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