La Traque des Bannis
guérisseur.
Aussitôt, le Rôdeur, toussant et crachant, tenta de se relever, mais Horace, les mains sur ses épaules, l’obligea à rester allongé. Une minute plus tard, le malade cessa de se débattre et s’endormit en marmonnant.
Malcolm fit alors signe à Horace de se détendre. Le front de ce dernier était couvert de sueur, et le guérisseur mit cela sur le compte de la fatigue nerveuse du chevalier et des craintes qu’il devait éprouver. D’intenses émotions étaient susceptibles d’affecter tout autant qu’un effort physique.
— Malcolm, que se passe-t-il ? s’enquit Horace.
Il avait compris que Halt passerait par plusieurs étapes, ainsi que le guérisseur le leur avait expliqué, et que, désormais, tout changement ne pouvait être qu’annonciateur de mauvaises nouvelles, mais il voulait connaître le détail de la situation.
Malcolm croisa son regard anxieux.
— Je ne vais pas te mentir, Horace. Il s’est apaisé grâce au remède que je viens de lui administrer. Les effets de cette potion s’atténueront d’ici une heure et il se mettra à gesticuler de nouveau. Et chaque fois, ce sera pire. Dès que le poison se sera répandu dans tout son corps, ce sera la fin.
— Pendant combien de temps peux-tu encore lui donner ce calmant ? demanda Horace. Will peut être de retour d’un moment à l’autre, tu sais.
— Je ne pourrai pas lui en donner à plus de deux ou trois reprises, répondit Malcolm. Il s’agit d’un remède puissant, or Halt est très affaibli. Une dose excessive le tuerait aussi sûrement que le poison.
— Il n’y a donc rien d’autre à faire ? soupira le jeune guerrier, dont les yeux se remplirent de larmes.
Il se sentait inutile, impuissant. Si Halt s’était trouvé au beau milieu d’une bataille, cerné par l’ennemi, Horace, sans hésiter, aurait volé à son secours. Il maîtrisait parfaitement ce genre de situation. En revanche, cette attente terrible le laissait démuni, angoissé, avec l’envie de se tordre les mains. Selon lui, c’était pire que n’importe quelle bataille.
Malcolm resta muet. Il n’avait rien à ajouter. Il aperçut une lueur de colère dans le regard d’Horace, dont le visage s’était empourpré :
— Vous autres, guérisseurs, vous êtes bien tous les mêmes ! Avec vos potions, vos sortilèges et votre charabia ! Au bout du compte, vous ne servez à rien ! Que faites-vous à part conseiller d’attendre et de voir ce qui se passera ?
Les accusations du guerrier étaient injustes. Malcolm était différent de la plupart des guérisseurs, souvent des charlatans. Malcolm, lui, était un herboriste. Il avait une connaissance étendue des plantes médicinales et du corps humain. Il était sans nul doute le guérisseur le plus érudit et le plus expérimenté du royaume. Mais parfois,tout savant que l’on soit, cela ne suffit pas. Après tout, les guérisseurs ne sont pas infaillibles. Au fond de lui, Horace le savait et Malcolm, qui compatissait à la douleur du jeune homme, ne se formalisa pas de ces reproches qui, en réalité, n’étaient pas dirigés contre lui.
— Je suis navré, Horace, se contenta-t-il de répondre.
Le guerrier baissa les épaules en laissant échapper un long soupir. Il avait eu tort de s’emporter ainsi, il en avait conscience. De plus, Malcolm devait se sentir encore plus impuissant que lui.
— Non, Malcolm, tu n’as pas à t’excuser. Tu as fait ton possible pour l’aider. Personne n’aurait agi mieux que toi. Seulement…
Il ne put achever sa phrase. Il n’était pas certain de savoir ce qu’il voulait dire. Il avait pourtant compris une chose : il s’était résigné à l’idée que Halt allait mourir. Si Malcolm ne pouvait le sauver, personne n’y arriverait.
La main sur les yeux pour dissimuler ses larmes, il tourna le dos au guérisseur et s’éloigna. Malcolm lui emboîta le pas avant de s’immobiliser. Mieux valait le laisser seul, songea-t-il. Il alla s’agenouiller près du vieux Rôdeur. Sourcils foncés, il observa le malade. D’ici une demi-heure, les effets du calmant s’estomperaient et Halt recommencerait à s’agiter. Il saurait l’apaiser de nouveau, mais ce serait une solution temporaire. Les crises s’aggraveraient. Le Rôdeur était pris dans une spirale qui l’entraînait de plus en plus bas.
À moins que…
Une idée venait de germer dans son esprit. Une idée tout aussi désespérée que la situation dans laquelle ils se trouvaient. Malcolm
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