La Vallée des chevaux
cheval à la
chair si tendre. Si les Autres décident de tuer Whinney, elle ne s’enfuira pas
et les laissera faire. Et il n’est pas certain qu’ils m’écoutent si je leur
demande de la laisser en vie. S’ils sont comme Broud, ils ne m’écouteront pas.
Qui me dit qu’ils ne sont pas comme lui ? Ou même pire ? Après tout,
même s’ils ne l’ont pas fait exprès, ils ont tué le bébé d’Oga.
Même si je dois partir à la recherche des Autres, je peux très
bien rester un peu plus longtemps ici. Jusqu’à ce que j’aie reconstitué des
réserves de viande et de tubercules. J’attendrai que ceux-ci aient suffisamment
poussé, puis je m’en irai.
Soulagée d’avoir pris une décision, Ayla se leva et se dirigea
vers l’autre côté de la corniche. Elle y fut accueillie par l’odeur de viande
en putréfaction que dégageait le tas de débris récemment amoncelés à la base de
la saillie rocheuse. Elle aperçut alors une hyène qui serrait dans ses
mâchoires puissantes la patte avant de ce qui avait dû être un cerf. De tous
les prédateurs et nécrophages, la hyène était la seule à posséder une telle
force dans les mâchoires et dans le train avant. Cette dernière particularité
lui conférait d’ailleurs une allure déséquilibrée.
La première fois qu’Ayla avait aperçu une hyène en train de
renifler le tas de débris, il avait fallu qu’elle se retienne à deux fois pour
ne pas la tuer avec sa fronde. En voyant la hyène extraire un morceau de
charogne de dessous le tas, elle préféra lui laisser la vie sauve, consciente
du service que l’animal rendait. Elle connaissait parfaitement ces animaux et
savait que lorsqu’ils chassaient, ils s’attaquaient directement au bas-ventre
ou aux glandes mammaires de leur proie, faute de posséder une détente
suffisante comme les félins et les loups.
Mais leur menu habituel restait la charogne. Pour les hyènes,
c’était un plat de roi. Elles ne se gênaient pas d’ailleurs pour fouiller les
amoncellements d’ordures des humains et s’attaquaient aux morts lorsque ceux-ci
n’avaient pas été enterrés assez profondément. Leur morsure était souvent
mortelle pour l’homme et elles s’attaquaient aux enfants en bas âge.
Ayla frissonna de dégoût en observant la hyène en train de
festoyer en bas de la corniche. Elle n’était plus toute seule, un glouton
venait de s’approcher, attiré lui aussi par la charogne. Le glouton ressemblait
à un ourson, mais il possédait une longue queue et des glandes aussi
nauséabondes que celles du putois. Nécrophages, comme la hyène, les gloutons
pénétraient parfois dans les campements en plein air ou les cavernes et se
comportaient alors en véritables vandales. D’humeur batailleuse et intelligente,
ils étaient très courageux et n’hésitaient pas à s’attaquer à n’importe quelle
proie, même un cerf géant, alors qu’ils auraient pu se contenter de souris,
d’oiseaux, de grenouilles, de poissons et de baies. Ayla avait déjà vu des
gloutons se battre avec des animaux beaucoup plus gros qu’eux pour défendre la
proie qu’ils venaient de tuer. Ils étaient dignes de respect et leur fourrure
était très recherchée car elle était la seule à protéger efficacement du gel.
En entendant des battements d’aile, Ayla leva la tête et aperçut
un couple de milans qui venaient de quitter leur nid installé à la cime d’un
arbre sur la rive opposée. Lorsqu’ils se posèrent sur la plage, elle admira
leurs ailes brunâtres largement ouvertes et leur queue fourchue. Même s’ils se
nourrissaient eux aussi de charognes, cela ne les empêchait pas de chasser des
petits mammifères et des reptiles. La femelle était un peu plus grande que le
mâle et leur plumage était si beau qu’Ayla ne se lassait pas de les regarder.
Quant aux vautours, malgré leur tête chauve et hideuse, et leur
odeur pestilentielle, elle les tolérait car elle aimait observer leur vol
majestueux. C’était toujours très impressionnant de les voir planer sans effort
et se laisser porter par les courants, jusqu’à ce que, apercevant une proie,
ils plongent vers le sol et se précipitent sur le cadavre en allongeant le cou
et en refermant à moitié les ailes.
Tous ces nécrophages festoyaient et il y avait même maintenant
parmi eux quelques corneilles noires. Ayla se félicitait d’une telle
aubaine : plus vite ils nettoieraient le charnier et mieux cela vaudrait.
L’odeur écœurante
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