La Vallée des chevaux
est-ce qu’il en reste ?
— Oui, beaucoup, répondit aussitôt Jetamio. Pour le ragoût,
nous n’avons utilisé que les tiges.
— Va m’en chercher ! Vite !
Quand Jetamio les lui apporta, le shamud les trempa dans l’eau
et les posa sur les brûlures à vif du bébé et de la mère. Sous l’effet apaisant
des feuilles de bardane, les cris déchirants du bébé cessèrent, pour laisser
place à quelques sanglots entrecoupés de hoquets.
— Cela fait du bien, dit Tholie.
Sur le coup, elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle
était elle aussi brûlée. Elle était assise par terre et, pour pouvoir parler
tranquillement, avait remis son bébé au sein. Quand l’infusion bouillante
s’était répandue sur elles, elle avait uniquement pensé à Shamio.
— Est-ce grave pour le bébé ? demanda-t-elle au
shamud.
— Shamio va avoir des cloques. Mais je ne pense pas que ça
laisse des cicatrices, répondit celui-ci.
— C’est terrible ! intervint Jetamio. Pauvre
Shamio ! J’ai vraiment de la peine pour elle.
— Pourquoi êtes-vous encore ici, toi et Thonolan ?
demanda Tholie. C’est votre dernière nuit ensemble.
— Je n’ai pas le cœur à partir alors que Shamio et toi,
vous êtes dans cet état, expliqua Jetamio.
Comme le bébé recommençait à crier, le shamud demanda :
— Est-ce que la tisane est prête, Serenio ?
Les feuilles de bardane posées sur les brûlures avaient cessé de
faire effet et il les remplaça par des feuilles fraîches.
— L’écorce de tilleul a bouilli suffisamment longtemps,
mais la tisane est trop chaude pour qu’on la fasse boire au bébé, répondit
Serenio. Je ne sais pas ce que je pourrais faire pour qu’elle refroidisse plus
vite...
— Moi, je sais ! s’écria Thonolan.
En le voyant disparaître, Jetamio demanda à Jondalar :
— Où va-t-il ?
Jondalar haussa les épaules et secoua la tête en signe
d’ignorance. Mais la réponse ne se fit pas attendre. Thonolan revint un moment
plus tard avec des morceaux de glace qu’il était allé chercher sur les
premières marches du passage qui descendait vers le fleuve.
— Est-ce que cela peut être utile ? demanda-t-il.
— Ce garçon est vraiment intelligent, fit remarquer le
shamud avec, comme toujours, une pointe d’ironie.
Non seulement l’écorce de tilleul soulageait la douleur,
mais elle avait un effet sédatif : Tholie et Shamio avaient fini par
s’endormir. On avait réussi à convaincre Jetamio et Thonolan de se retirer.
Mais l’insouciance et la gaieté de la Fête de la Promesse s’étaient évanouies.
Bien que personne n’osât l’avouer, cet accident semblait de mauvais présage
pour l’Union du jeune couple.
Tout le monde était allé se coucher et il ne restait plus autour
du feu mourant que Jondalar, Serenio, Markeno et le shamud. Ils parlaient à
voix basse en buvant une dernière coupe de vin. Serenio essayait de convaincre
Markeno d’aller se coucher.
— Tu ne peux plus rien faire pour elles, disait-elle. Va
donc dormir. Je vais passer la nuit à leur chevet.
— Elle a raison, Markeno, intervint le shamud. Tout va bien
maintenant. Même toi, Serenio, tu peux aller te coucher.
Tout le monde se leva. Après avoir tendrement caressé la joue de
Jondalar, Serenio entraîna Markeno vers les abris en bois.
— S’il y a un problème, je vous réveillerai, dit-elle en
les quittant. Quand ils eurent disparu, Jondalar remplit deux coupes et en
offrit une au personnage énigmatique qui attendait dans l’obscurité maintenant
silencieuse. Le shamud accepta la coupe, montrant par là qu’il avait compris
qu’ils avaient encore un certain nombre de choses à se dire. Jondalar rassembla
les braises rougeoyantes au sommet du cercle noirci du foyer presque éteint et
ajouta du bois jusqu’à ce que le feu recommence à flamber. Les deux hommes
s’assirent à côté du feu et restèrent là un court instant à boire du vin sans
échanger un mot.
Lorsque Jondalar releva la tête, il s’aperçut que les yeux du
shamud, dont la couleur indéfinissable semblait plus foncée à la lueur du feu,
étaient fixés sur lui. Impressionné par l’intelligence et la force qu’il y lisait,
Jondalar s’obligea néanmoins à soutenir ce regard. A cause de l’ombre projetée
par les flammes, il avait du mal à distinguer les traits de son visage, mais il
savait que, même en plein jour, ce visage ne livrait à aucun moment son secret.
Même
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