La Vallée des chevaux
La jument avait la tête basse,
les jambes arrière écartées, la queue relevée sur le côté gauche. Son orifice
vaginal était gonflé et agité de contractions. Après avoir jeté un coup d’œil à
Ayla, elle poussa un cri perçant.
Dans un premier temps, la jeune femme se sentit soulagée. Voilà
donc le problème, se dit-elle. Elle savait que les femelles avaient un cycle et
qu’en général, chez les herbivores, l’accouplement avait lieu une fois par an.
Pendant la saison des amours, les mâles se battaient souvent pour avoir le
droit de s’accoupler et c’était la seule époque de l’année où mâles et femelles
se mélangeaient, même ceux qui, en temps normal, chassaient séparément ou
vivaient dans des troupeaux différents.
La saison des amours intriguait Ayla, au même titre que d’autres
comportements qu’elle avait observés chez les animaux, comme, par exemple, le
fait que chaque année le cerf perde ses bois et que ceux-ci repoussent, plus
grands encore que l’année précédente. Quand elle était enfant, Creb se plaignait
toujours qu’elle pose trop de questions au sujet de ce genre de choses. Il ne
savait pas pourquoi les animaux s’accouplaient, même si, une fois, il s’était
avancé jusqu’à dire que les mâles affirmaient ainsi leur domination sur les
femelles ou que, comme les hommes, ils satisfaisaient leurs besoins.
Au printemps précédent, Whinney avait déjà réagi aux
hennissements de l’étalon qui se trouvait dans les steppes, au-dessus de la
caverne, mais elle n’avait pu aller le rejoindre. Cette fois-ci, son besoin de
s’accoupler semblait beaucoup plus fort et Ayla avait beau la caresser, elle
continuait à pousser des cris perçants.
Comprenant soudain ce que cela signifiait, Ayla sentit son
estomac se contracter. Elle s’appuya contre la jument, exactement comme le faisait
Whinney quand elle était inquiète ou effrayée. Whinney allait la quitter !
C’était tellement inattendu ! Préoccupée par l’avenir de Bébé et ses
propres projets, Ayla n’avait pas eu le temps de s’y préparer. Elle avait
oublié que la saison des amours allait revenir pour Whinney et qu’elle aurait
alors besoin de trouver un étalon.
Le cœur déchiré, Ayla quitta la caverne et fit signe à Whinney
de venir avec elle. Lorsqu’elles se retrouvèrent sur la plage, elle enfourcha
la jument. Bébé s’apprêtait à les suivre mais Ayla fit le geste :
« Arrête ! » Elle ne voulait pas que le lion des cavernes les
accompagne. Bébé ne pouvait pas savoir qu’elle ne partait pas chasser et elle
dut à nouveau refaire le même geste. Impressionné par sa détermination, le lion
s’immobilisa et les regarda s’éloigner.
Dans les steppes, il faisait chaud et humide à la fois. Le
soleil avait réussi à percer le brouillard matinal. Il brillait maintenant au
centre d’un halo brumeux et son éclat faisait paraître le bleu du ciel plus
pâle encore qu’il ne l’était déjà. Les légères brumes, provoquées par la neige
en train de fondre, adoucissaient les contours sans limiter la visibilité et
des poches de brouillard s’accrochaient encore au fond des endroits les plus
humides. La perspective s’en trouvait modifiée, et tout semblait ramené au
premier plan, ce qui donnait au paysage une immédiateté étonnante, le sentiment
de vivre dans le présent, ici et maintenant, comme si l’univers se limitait à
cet endroit. Les objets éloignés paraissaient tout proches et néanmoins il
aurait fallu marcher interminablement pour les atteindre.
Ayla se laissait guider par sa monture, notant inconsciemment au
passage les repères qui lui permettraient de regagner la caverne. La direction
prise par Whinney lui importait peu et elle ne se rendait pas compte que son
visage, déjà humide à cause de la brume, ruisselait de larmes. Elle repensait à
ce jour lointain où elle avait découvert la vallée et aperçu pour la première
fois la horde de chevaux dans la prairie. Elle se rappelait sa décision de
s’installer dans cette vallée accueillante, ce qui l’avait obligée à tuer un
des chevaux de la horde. Elle se souvenait de cette fameuse nuit où elle avait
ramené Whinney avec elle pour la protéger des hyènes. Elle aurait dû se douter
que cela ne pouvait pas durer indéfiniment, qu’un beau jour Whinney rejoindrait
les siens, comme elle-même allait être aussi obligée de le faire.
Un changement dans l’allure de la jument la rappela à
Weitere Kostenlose Bücher