La Vallée des chevaux
Tête Plate soit venu en aide à un homme ? Jondalar était
complètement dérouté. Il n’empêche que ce Tête Plate lui avait probablement
sauvé la vie.
Le jeune mâle semblait avoir pris une décision.
Utilisant le même geste qu’un peu plus tôt, il invita Jondalar à
le suivre. Dès qu’ils s’éloignèrent du feu, Jondalar recommença à avoir froid,
car ses vêtements étaient toujours humides, et il se félicita d’avoir conservé
la fourrure de loup sur ses épaules. Ils traversèrent la clairière en sens
inverse et quand ils arrivèrent en vue du fleuve, le Tête Plate se précipita en
avant en émettant des sons aigus et en remuant les mains. Le petit animal qui
avait commencé à s’attaquer à l’esturgeon disparut aussitôt dans les fourrés.
Le poisson, aussi gros soit-il, n’allait pas tarder à être dévoré si on ne le
surveillait pas.
En voyant avec quelle rage le jeune Tête Plate avait fait fuir
le prédateur, Jondalar eut une soudaine intuition. Si ce jeune mâle l’avait
aidé, n’était-ce pas à cause du poisson ? En voulait-il un morceau ?
Après avoir fouillé dans un des replis de la peau qui le
couvrait, le Tête Plate sortit un éclat de silex et, se plaçant au-dessus de
l’esturgeon, fit semblant de le couper en deux. Puis il fit des gestes qui
signifiaient qu’une partie du poisson était pour lui et l’autre pour Jondalar.
Il s’immobilisa alors et attendit. Sa proposition était on ne peut plus claire.
Mais elle amenait Jondalar à se poser à nouveau toutes sortes de questions.
Où ce jeune Tête Plate avait-il trouvé cet outil ? Même
s’il n’était pas aussi perfectionné que le sien – il s’agissait d’un
éclat de silex épais et non d’une lame fine – ce couteau à bords
tranchants semblait parfaitement fonctionnel. Il avait été fabriqué par
quelqu’un dans un but bien précis. Mais plus encore que cet outil, ce qui
l’intriguait c’est que ce jeune ait réussi à lui faire comprendre ses
intentions.
Le jeune mâle attendait toujours. Jondalar opina du bonnet en se
demandant si ce mouvement allait être correctement interprété. Toute son
attitude indiquait qu’il était d’accord. Pour le Tête Plate, cela avait plus de
signification que le hochement de tête et il se mit donc aussitôt au travail.
Tout en le regardant faire, le jeune Zelandonii se disait :
Il ne réagit pas du tout comme un animal. Un animal se serait précipité sur ce
poisson pour en manger un morceau. Un animal plus évolué se serait dit que je
représentais un danger pour lui et il aurait attendu que je sois parti avant de
toucher à l’esturgeon. Jamais un animal n’aurait compris que j’avais froid et
n’aurait pu me proposer de venir me réchauffer. Et surtout, jamais il ne
m’aurait demandé de partager ce poisson avec lui ! Seuls les humains sont
accessibles à la pitié et ce jeune Tête Plate a eu à mon égard un comportement
humain.
Toutes les croyances de Jondalar – ancrées en lui
depuis sa plus tendre enfance – étaient en train de vaciller. Les
Têtes Plates étaient des animaux. C’était en tout cas ce que tout le monde
disait. Cette évidence s’appuyait sur le fait que les Têtes Plates étaient
incapables de parler. Était-ce là la seule chose qui les différenciait des
hommes ?
Jondalar aurait de bon cœur accepté que le jeune mâle emporte la
totalité du poisson. Il était curieux de voir comme il allait s’y prendre pour
le partager en deux. De toute façon, ce poisson était si gros que quatre hommes
auraient eu du mal à le porter et, d’une manière ou d’une autre, il aurait
fallu le découper.
Le jeune Tête Plate releva brusquement la tête. Avait-il entendu
quelque chose ?
— Jondalar ! Jondalar !
Le Tête Plate semblait interloqué. Jondalar écarta les buissons
et se précipita vers la rive.
— Ici ! cria-t-il. Je suis ici, Thonolan !
Son frère était parti à sa recherche ! En apercevant le
bateau qui voguait au milieu du fleuve, Jondalar recommença à crier. Les
rameurs le saluèrent de la main et obliquèrent en direction de la rive.
En entendant un grognement dans son dos, Jondalar se retourna.
L’esturgeon avait été partagé en deux sur toute sa longueur et le jeune Tête
Plate était en train de placer la moitié qui lui revenait sur une peau étendue
sur le sol. Il réunit les bords de la peau et posa le chargement sur son dos.
La demi-tête et la demi-queue
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