La Vallée des chevaux
dépassant de son sac, il disparut dans les bois.
— Attends ! cria Jondalar en se précipitant à sa
suite.
Il le rattrapa au moment où il atteignait la clairière. La
femelle, qui portait un grand panier sur son dos, recula en le voyant. Il ne
restait dans la clairière aucune trace de leur passage et même les traces de
feu avaient disparu. Si Jondalar n’avait pas eu l’occasion de s’y réchauffer un
peu plus tôt, jamais il n’aurait cru qu’il y avait eu un feu à cet endroit.
Enlevant la fourrure de loup de ses épaules, il la tendit à la
femelle. Sur un grognement du mâle, celle-ci prit la fourrure, puis ils
s’enfoncèrent tous deux dans les bois.
Jondalar frissonna dans ses vêtements mouillés et retourna vers
la petite plage. Quand il y arriva, le bateau était en train d’accoster. Son
frère sauta sur la rive et, tombant dans les bras l’un de l’autre, ils
s’étreignirent longuement.
— Je suis tellement heureux de te voir, Thonolan !
s’écria Jondalar. Je craignais qu’en découvrant la pirogue, vous pensiez que je
m’étais noyé.
— Combien de rivières avons-nous traversées ensemble, Grand
Frère ? je savais que tu étais un bon nageur. Quand nous avons découvert
la pirogue, nous nous sommes doutés que tu ne devais pas être bien loin et nous
avons continué à remonter le fleuve.
— Qui a pris la moitié de ce poisson ? demanda
Dolando.
— J’en ai fait cadeau.
— Tu en as fait cadeau ! A qui ?
— A un Tête Plate.
— Un Tête Plate ! s’écrièrent en chœur les hommes
debout sur le rivage.
— Pourquoi as-tu donné la moitié d’un aussi gros poisson à
un Tête Plate ? demanda Dolando.
— Il m’a donné un coup de main et, en échange, m’a demandé
la moitié de l’esturgeon.
— Qu’est-ce tu racontes ? demanda Dolando avec colère.
Comment un Tête Plate peut-il demander quoi que ce soit ? Où est-il ?
Le chef des Sharamudoï semblait furieux, ce qui surprit beaucoup
Jondalar. Habituellement, Dolando ne perdait jamais son sang-froid.
— Il est parti dans les bois, expliqua Jondalar. Quand je
l’ai rencontré, j’étais trempé et je n’arrivais pas à me réchauffer. Il m’a
emmené jusqu’à son feu et...
— Son feu ! le coupa Thonolan. Depuis quand savent-ils
faire du feu ?
— J’ai déjà vu des Têtes Plates faire du feu, dit Barono.
— Moi aussi, il m’est arrivé d’en apercevoir quelques-uns
de loin sur cette rive du fleuve, fit remarquer Carolio.
— Je ne savais pas qu’ils étaient revenus, intervint
Dolando. Combien étaient-ils ?
— Juste un jeune mâle et une femelle. J’ai pensé que
c’était peut-être sa mère.
— S’ils ont emmené des femelles avec eux, ils doivent être
plus nombreux que ça, reprit Dolando en jetant un coup d’œil vers les bois. Ce
serait une bonne idée d’organiser une chasse aux Têtes Plates et de débarrasser
la forêt de toute cette vermine.
Dolando avait parlé d’un ton nettement menaçant. Jondalar
savait, pour l’avoir déjà entendu faire quelques remarques à ce sujet, qu’il ne
portait pas les Têtes Plates dans son cœur. Mais c’était la première fois qu’il
laissait éclater une telle haine à leur égard.
Si Dolando était tacitement reconnu comme le chef des
Sharamudoï, ce n’était pas parce qu’il était plus intelligent ou plus fort que
les autres, mais parce qu’il possédait les qualités nécessaires pour ce poste
de commandement et un réel pouvoir de persuasion. Il avait le don de s’attirer
la sympathie de tous et de résoudre les problèmes qui se présentaient. Jamais
il ne donnait d’ordres. Il cajolait, enjôlait, persuadait et transigeait. Il se
débrouillait pour mettre de l’huile dans les rouages afin d’amortir les
frictions qui s’élevaient inévitablement entre gens vivant ensemble. Il était
astucieux et efficace, si bien que ses décisions étaient habituellement
acceptées. Mais personne n’était tenu de s’y soumettre et cela entraînait
parfois des discussions pour le moins animées.
Dolando avait suffisamment confiance en lui pour défendre son
point de vue lorsqu’il était sûr d’avoir raison et pour demander l’avis de
quelqu’un d’autre, possédant un savoir ou une expérience supérieurs à la
sienne, quand le besoin s’en faisait sentir. Il avait tendance à ne pas
intervenir dans les querelles personnelles et, quand il le faisait, c’était
toujours à la
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