La Vallée des chevaux
supportait pas de rester inactive.
Durant l’hiver, malgré les expéditions de chasse en compagnie de
Bébé et de Whinney, elle avait eu du mal à trouver de quoi s’occuper. Elle
avait bien tanné toutes les peaux des animaux qu’ils tuaient, continué à
fabriquer des paniers, des nattes et des récipients en bois et accumulé assez
d’outils et d’instruments pour satisfaire les besoins de tout un clan. Mais
c’est avec impatience qu’elle avait attendu le retour de la belle saison pour
reprendre la cueillette et le ramassage des plantes.
Elle continuait aussi à chasser en compagnie de Bébé, comme elle
l’avait fait durant tout l’hiver, en modifiant un peu la méthode qu’elle avait
employée jusque-là, du fait que Whinney était partie. Mais le lion était devenu
un si bon chasseur qu’elle aurait pu facilement éviter de chasser. Non
seulement elle avait d’importantes réserves de viande séchée, mais quand Bébé
partait chasser seul et qu’il revenait avec du gibier – ce qui était
le cas la plupart du temps – elle n’hésitait jamais à prélever un
morceau de sa proie. Elle pouvait se le permettre à cause du rapport tout à
fait exceptionnel qu’elle entretenait avec le lion. Elle était sa mère, donc,
pour lui, un animal dominant. Elle chassait avec lui, elle était donc son égal.
Et il était le seul être qu’elle puisse aimer.
En regardant vivre les lions sauvages, elle avait fait un
certain nombre d’observations sur leurs habitudes de chasse, qui se trouvaient
maintenant confirmées par celles de Bébé. Les lions des cavernes étaient des
chasseurs diurnes pendant l’hiver et nocturnes en été. Bien que Bébé eût perdu
son pelage d’hiver au printemps, son pelage d’été restait épais et, durant la
journée, il faisait trop chaud pour la chasse. La seule chose qui
l’intéressait, c’était de dormir, de préférence dans la niche située au fond de
la grotte, qui restait fraîche tout l’été. Même en hiver, quand ils avaient
retrouvé leur poil dru, les lions appréciaient de pouvoir se réfugier dans une
caverne, à l’abri du vent glacial qui soufflait sur les steppes. Ces
carnassiers possédaient d’étonnantes facultés d’adaptation. L’épaisseur et la
couleur de leur pelage ainsi que leurs habitudes de chasse évoluaient en
fonction des conditions climatiques – tant qu’il y avait assez de
gibier pour les nourrir.
Le lendemain du départ de Whinney, quand Ayla s’était réveillée
et qu’elle avait aperçu Bébé dormant à côté de la carcasse d’un faon tacheté – le
petit d’un cerf géant –, elle avait pris une décision. Il fallait qu’elle
quitte la vallée, cela ne faisait aucun doute, mais pas cet été. Bébé avait
encore besoin d’elle, il était encore trop jeune pour vivre seul. Jamais il ne
se ferait accepter dans une troupe de lions sauvages et le mâle dominant
risquait de le tuer. Jusqu’à ce qu’il soit assez âgé pour s’accoupler et fonder
sa propre troupe, il avait besoin de la sécurité de la caverne.
Iza lui avait conseillé de partir à la recherche de son peuple
et elle était bien résolue à lui obéir. Mais, en même temps, la décision de
temporiser la soulageait : elle avait peur de devoir échanger sa liberté
contre la compagnie de gens dont elle ignorait tout. Une autre raison, qu’elle
ne s’avouait pas, la poussait à rester le plus longtemps possible dans la
vallée : elle ne voulait pas s’en aller avant d’être sûre que Whinney ne
reviendrait jamais. La jument lui manquait terriblement. Elle avait partagé sa
vie depuis le début de son installation dans la vallée et Ayla l’adorait.
— Debout, gros paresseux ! dit Ayla. Allons nous
promener et voir si nous ne pouvons pas trouver quelque chose à chasser. Tu
n’es même pas sorti la nuit dernière.
Après avoir donné une tape au lion, Ayla sortit de la caverne en
faisant le geste qui signifiait : « Suis-moi ! » Bébé
souleva la tête, bâilla en découvrant ses crocs et se mit à la suivre à
contrecœur. Il n’était pas plus affamé qu’Ayla et aurait préféré continuer à
dormir.
La veille, la jeune femme avait ramassé des plantes médicinales,
une tâche qui lui plaisait beaucoup car elle lui rappelait de bons souvenirs.
Quand elle était enfant, elle aimait qu’Iza l’envoie cueillir des plantes car
cette activité lui permettait d’échapper à la surveillance des autres membres
du
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