La Vallée des chevaux
laineux. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’une
espèce au moins de carnassiers se développe jusqu’à atteindre la taille requise
pour chasser ce genre de gibier. Les lions qui viendraient ensuite
n’atteindraient que la moitié de leur taille et sembleraient presque chétifs
comparés à eux. Le lion des cavernes était le plus gros félin qui eût jamais
vécu.
Bébé était l’exemple le plus abouti de ces prédateurs inégalés
énorme, puissant, plein de santé et de vigueur, comme en témoignait son poil
luisant – et il se laissait caresser avec un plaisir évident. S’il
avait décidé d’attaquer Ayla alors qu’elle lui grattait le flanc, la jeune
femme n’aurait rien pu faire, mais il n’était pas plus dangereux pour elle
qu’un chaton.
Ayla n’avait pas conscience de l’autorité qu’elle exerçait sur
lui et l’obéissance de Bébé était du même ordre. Levant la tête ou la tournant
de côté pour lui montrer où il désirait qu’elle le gratte, le lion
s’abandonnait au plaisir sensuel que provoquaient en lui ces caresses. Et Ayla
était tout heureuse de lui faire plaisir. Au moment où elle montait sur le
rocher pour lui caresser l’autre flanc, elle eut soudain une idée. Sans
réfléchir aux possibles conséquences, elle s’installa sur le dos du lion, comme
elle l’avait fait tant de fois avec Whinney.
Même si Bébé fut un peu surpris, les bras posés sur son cou
étaient familiers et le poids d’Ayla négligeable. Pendant un long moment, ils
ne bougèrent ni l’un ni l’autre. Lorsqu’ils chassaient ensemble, pour donner à
Bébé le signal du départ, Ayla faisait un large mouvement du bras, comme si
elle allait lancer un projectile avec sa fronde, et criait un mot qui, pour
elle, signifiait : « Vas-y ! » Comme elle avait très envie
que le lion se mette en mouvement, elle refit le même geste et cria le même
mot.
Sentant qu’il tendait ses muscles, elle saisit sa crinière à
deux mains et Bébé bondit en avant. Il fonça à toute vitesse vers le fond de la
vallée. Ayla ferma à demi les yeux à cause du vent qui soufflait sur son visage
et faisait voler les longues mèches de cheveux qui s’échappaient de ses
tresses. Elle ne pouvait pas diriger le lion comme elle faisait avec Whinney.
Elle se laissait porter par lui, allant où il voulait et s’abandonnant au
plaisir que provoquait chez elle cette course sans but.
La pointe de vitesse de Bébé fut de courte durée, exactement
comme lorsqu’il chassait. Il ralentit, fit un large cercle et reprit le chemin
de la caverne. Portant toujours la jeune femme sur son dos, il s’engagea sur
l’étroit sentier et s’arrêta en arrivant à l’intérieur de la grotte. Ayla
descendit et le serra dans ses bras, ne sachant pas comment exprimer autrement
ce qu’elle éprouvait. Bébé fit claquer sa queue, puis il se dirigea vers le
fond de la caverne. Dès qu’il eut rejoint sa place favorite, il s’étira et
s’endormit presque aussitôt.
Tu m’as offert une sacrée balade, se dit Ayla en regardant le
lion, et tu te dis que ça suffit pour aujourd’hui, n’est-ce pas, Bébé ?
Maintenant tu peux dormir aussi longtemps que tu en as envie.
A la fin de l’été, les absences de Bébé commencèrent à
s’allonger. La première fois qu’il resta absent plus d’une journée, Ayla se fit
du souci et, la seconde nuit, elle était tellement inquiète qu’elle ne put
fermer l’œil. Elle était au moins aussi fatiguée que lui quand, au petit jour,
il regagna enfin la caverne. Il ne rapportait aucun gibier et, lorsqu’elle lui
donna de la viande séchée, il la dévora avec tant d’appétit qu’elle alla
chercher sa fronde et, malgré sa fatigue, partit chasser dans la vallée. Quand
elle revint avec deux lièvres, Bébé se réveilla et, après avoir manifesté sa
joie de la voir rentrer, il prit un des deux lièvres et l’emporta au fond de la
caverne. Ayla mit l’autre bête de côté et elle alla se coucher.
La fois suivante, lorsqu’il s’absenta pendant trois jours, elle
se fit moins de souci – mais elle se rendit compte en revanche à quel
point la caverne semblait vide quand il n’y était pas. Quand il revint, il
avait reçu quelques bons coups de griffe et elle en déduisit qu’il avait dû se
battre avec d’autres lions pour une femelle. Contrairement aux chevaux qui
s’accouplaient toujours au printemps, les lionnes pouvaient être en chaleur
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