La Vallée des chevaux
à
n’importe quel moment de l’année.
Au fur et à mesure que l’automne avançait, les longues absences
de Bébé devinrent de plus en plus fréquentes et, quand il rentrait à la
caverne, c’était en général pour dormir. Ayla était certaine qu’il dormait
aussi ailleurs, mais qu’à cet endroit, il se sentait moins en sécurité qu’à
l’intérieur de la caverne. Elle ne savait jamais quand il allait rentrer, ni
d’où il allait surgir. Parfois il empruntait l’étroit sentier qui menait à la
caverne, apparaissant brusquement à côté d’elle, ou alors, plus impressionnant
encore, il bondissait soudain sur la corniche, venant des steppes situées
au-dessus de la grotte.
Ayla était toujours heureuse de le revoir, même si les
manifestations d’affection de Bébé dépassaient parfois un peu les bornes. Quand
s’élançant vers elle, il posait ses pattes avant sur ses épaules et la jetait
au sol, elle se dépêchait de faire le geste qui signifiait
« Arrête ! » pour mettre un frein à son enthousiasme débordant.
En général, il restait avec elle durant quelques jours et ils en
profitaient pour chasser ensemble. De temps à autre, il rapportait aussi à la
caverne une proie qu’il venait de tuer. Ayla était certaine que Bébé chassait
pour son propre compte et qu’il devait défendre ses proies contre les hyènes,
les loups ou les charognards qui essayaient de les lui voler. Quand il
commençait à faire les cent pas à l’intérieur de la caverne, elle savait qu’il
n’allait pas tarder à partir. La caverne semblait si vide sans lui qu’Ayla
commençait à appréhender la venue de l’hiver et la perspective de le passer
dans une complète solitude.
L’automne était très différent cette année-là : chaud et
sec. Les feuilles avaient jauni, puis viré au brun sans aborder les lumineuses
teintes automnales que les premières gelées réduisaient à néant. Brunes et
flétries, elles s’agrippaient encore aux branches, tremblaient sous le souffle
du vent qui aurait dû depuis longtemps les éparpiller sur le sol. Ni humide ni
froid, sans bourrasques ni averses soudaines, cet automne troublant finirait
par succomber à une attaque surprise de l’hiver. Inquiète à cette idée, Ayla
s’attendait chaque matin à un changement brutal de température et était
régulièrement surprise de découvrir que le ciel était toujours aussi bleu et
clair. Elle passait la soirée assise sur la corniche à regarder le soleil
sombrer derrière la terre, nimbé d’une légère brume qui lui retirait une partie
de son éclat, au lieu d’assister à de splendides couchers de soleil sur fond de
nuages chargés d’eau. Dès que la nuit était tombée, il y avait tellement
d’étoiles qu’on avait l’impression qu’elles allaient faire voler en éclats le
ciel noir.
Ayla ne s’était pas éloignée de la caverne depuis plusieurs
jours et quand elle s’aperçut qu’il allait à nouveau faire une belle journée,
elle se dit qu’elle avait tort de ne pas en profiter. L’hiver viendrait
toujours assez vite, la confinant à l’intérieur de la grotte.
Dommage que Bébé ne soit pas là, se dit-elle. Je serais bien
allée chasser avec lui. Pourquoi ne pas chasser seule ? se demanda-t-elle
en prenant ses épieux. Non, corrigea-t-elle aussitôt. Sans Whinney et sans Bébé,
ils ne me serviront à rien. Je vais juste prendre ma fronde. Faut-il que
j’emporte une fourrure ? Il fait tellement chaud que je risque de
transpirer. Je n’ai qu’à mettre une fourrure dans un panier que je porterai sur
mon dos. Mais qu’est-ce que je vais faire d’un panier ? Je n’ai pas besoin
de cueillir ou de ramasser quoi que ce soit. J’ai largement de quoi manger pour
tout l’hiver. J’ai seulement envie de marcher. Je ne prendrai ni panier ni
fourrure. Si je marche d’un bon pas, je n’aurai pas froid.
Ayla s’engagea dans l’étroit sentier qui menait à la rivière, un
peu surprise d’être aussi libre de ses mouvements. Elle n’avait aucun
chargement à porter, pas d’animal à nourrir, une caverne bien remplie. Elle
n’avait à s’inquiéter de rien, sauf d’elle-même. Elle aurait préféré qu’il en
soit autrement. Elle éprouvait à la fois un sentiment de liberté inhabituel et
une étrange frustration.
Quand elle eut atteint la prairie, elle s’engagea dans la montée
qui menait aux steppes de l’est et commença à marcher d’un bon pas, sans
destination
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