La Vallée des chevaux
Whinney et l’obligea
à faire demi-tour pour rejoindre la horde. Rassemblant les autres chevaux, la
jument de tête les entraîna à sa suite, fuyant cette femme qu’elle ne
connaissait pas et qui pouvait représenter un danger.
Ayla avait le cœur brisé. Elle ne pouvait se lancer à la poursuite
de la horde : les chevaux avançaient trop vite pour elle et elle ne
s’était déjà que trop éloignée de la vallée. Si elle voulait être rentrée avant
la nuit, elle avait intérêt à se remettre en route dès maintenant et à marcher
d’un bon pas. Elle siffla à nouveau, tout en sachant que c’était trop tard.
Puis, faisant demi-tour, elle reprit le chemin de la caverne. Le vent s’était
levé et il était si froid que, pour s’en protéger, elle remonta la peau qu’elle
portait sur les épaules.
Elle était tellement déprimée qu’elle ne pensait qu’à sa
tristesse et à sa déception. Un grognement d’avertissement la ramena rapidement
à la réalité. Elle venait de tomber sur la bande de loups qui, le museau
couvert de sang, étaient en train de se repaître du cheval brun-rouge.
Je ferais mieux de regarder où je vais, se dit-elle en reculant
prestement. Tout est de ma faute. Si je n’avais pas été aussi impatiente de
revoir Whinney, peut-être que cette jument n’aurait pas entraîné la horde loin
de moi. Tout en faisant un large détour pour éviter les loups, Ayla en profita
pour jeter un nouveau coup d’œil à l’animal qui gisait sur le sol. Son pelage
était bien foncé pour un cheval. Il était du même brun que celui de l’étalon
qui avait couvert Whinney. Après avoir observé plus attentivement la forme de
sa tête et de son corps, Ayla sentit un frisson lui courir dans le dos. C’était
l’étalon à la robe baie ! Comment un cheval aussi jeune et fringant
avait-il pu tomber dans les griffes des loups ?
L’angle anormal que faisait sa patte antérieure gauche lui
fournit aussitôt la réponse. Même un pur-sang aussi vigoureux que celui-là
pouvait se casser une patte en galopant sur un sol aussi traître. Une profonde
crevasse avait permis aux loups de savoir quel goût avait un jeune étalon. Ayla
hocha tristement la tête. C’est vraiment trop bête, se dit-elle, il avait
encore tant de belles années devant lui ! Au moment où elle dépassait la
horde de loups, elle finit par prendre conscience du danger qui la menaçait.
Le ciel, si dégagé pendant toute la matinée, était devenu une
masse figée de nuages menaçants. Les hautes pressions qui avaient réussi
jusque-là à tenir l’hiver à distance venaient de céder et le front d’air froid
en profitait pour s’imposer. Le vent aplatissait l’herbe sèche, projetant en
l’air les brins qu’il lui arrachait. La température baissait à toute vitesse.
Ayla sentait que la neige n’allait pas tarder à tomber. Et elle était encore
très loin de la caverne ! Elle regarda autour d’elle et se mit à courir.
Pourrait-elle rentrer avant que la tempête de neige fasse rage ?
Elle n’eut pas cette chance. Elle se trouvait à plus d’une
demi-journée de la caverne et l’hiver attendait son heure depuis trop
longtemps. Au moment où elle atteignait le cours d’eau à sec, de gros flocons
se mirent à tomber. Dès que le vent recommença à souffler, ces flocons se
transformèrent en aiguilles de glace qui la pénétraient jusqu’à l’os, puis en
rafales de neige plus glaciales encore quand le blizzard se leva. Les vents
tourbillonnaient, changeaient de direction au gré des déplacements des masses
d’air et ballottaient Ayla dans tous les sens.
Elle savait que son salut résidait dans le fait de continuer à
avancer, mais elle commençait à se demander si elle se dirigeait toujours du
bon côté. Le paysage était indistinct et elle avait de plus en plus de mal à se
repérer. Elle s’arrêta pour essayer de déterminer où elle était et dans
l’espoir aussi de faire taire le sentiment de panique qui l’étreignait. Comment
avait-elle pût être assez stupide pour quitter la caverne sans emporter une
fourrure ? Elle aurait dû prendre un panier et sa tente : au moins
elle aurait pu s’abriter. Ses oreilles étaient glacées, ses pieds tout
engourdis et elle claquait des dents.
Soudain, elle dressa l’oreille. Était-ce le sifflement du vent
qu’elle entendait ou autre chose ? Le même son se fit entendre à nouveau.
Plaçant ses deux mains autour de sa bouche, Ayla siffla aussi
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