La Vallée des chevaux
connaître la plupart des mots qu’il employait, elle
devinait plus qu’elle ne comprenait ce qu’il était en train de dire et, pour
décrypter son message, elle se servait pour me bonne part de sa capacité à lire
le langage inconscient du corps. D’ailleurs, elle sentait à quel point leur
conversation restait superficielle et manquait de précision. Le pire, c’est
qu’elle savait qu’il lui aurait suffi de se souvenir pour pouvoir parler
normalement avec lui. Mais chaque fois qu’elle croyait recouvrer la mémoire,
elle ressentait une tension insupportable, comme un nœud très serré et
douloureux qu’elle ne parvenait pas à défaire.
— Gon-da-lah rit ?
— Oui, c’est ça.
— Ayla rit. Ayla aime...
— ... rire et Jondalar aimerait bien sortir. Où sont mes
vêtements ? Ayla alla chercher les vêtements qu’elle avait coupés pour
pouvoir les lui enlever. Ils étaient en piteux état : lacérés par les
griffes du lion et tachés de sang. La tunique brodée avait perdu une partie de
ses perles et de ses ornements.
— Je devais être grièvement blessé, dit Jondalar en
examinant la jambe de son pantalon raidie par le sang séché. Il n’est pas
question que je remette ces vêtements.
C’était aussi l’avis d’Ayla. Après avoir fouillé là où elle
entreposait ses réserves, elle revint avec une peau qui n’avait jamais été
utilisée et de longues lanières de cuir. Elle s’apprêtait à l’ajuster autour de
la taille de Jondalar, à la manière des hommes du Clan, quand celui-ci
l’arrêta.
— Je m’en occupe, Ayla, dit-il en pliant la peau en forme
de bande qu’il plaça entre ses jambes, puis en la faisant remonter derrière et
devant. Mais j’aurais quand même besoin d’un coup de main, ajouta-t-il au
moment d’attacher la lanière autour de sa taille.
Ayla l’aida, puis elle lui présenta son épaule et lui indiqua
qu’il pouvait appuyer sa jambe blessée sur le sol. Jondalar posa son pied par
terre, avec précaution. C’était plus douloureux qu’il ne s’y attendait et il se
demanda s’il allait y arriver. Prenant son courage à deux mains, il s’appuya un
peu plus sur Ayla et avança à pas comptés. Quand ils atteignirent l’ouverture
de la caverne, il sourit d’un air radieux et jeta un coup d’œil à la corniche
en pierre et aux pins qui poussaient contre la paroi d’en face.
Dès qu’ils furent dehors, Jondalar s’appuya contre la paroi de
la caverne et Ayla l’abandonna un court instant pour aller chercher une natte
tressée et une fourrure qu’elle posa près du bord de la corniche à l’endroit où
la vue était la plus belle, et elle y installa Jondalar.
Jondalar était fatigué, sa jambe le faisait souffrir, mais il
était tout heureux de se retrouver enfin à l’air libre. Il aperçut Whinney et
son poulain, qui avaient quitté la caverne peu après qu’il les eut caressés,
dans la vallée qui lui sembla un vert et luxuriant paradis caché au creux des
steppes arides. Jamais il n’aurait imaginé qu’un tel endroit puisse exister.
Tournant la tête, il regarda en direction des gorges en amont et aperçut une
partie de la plage couverte de galets, mais ses yeux plongèrent à nouveau vers
la vallée verdoyante.
Celle-ci se déployait sous ses yeux jusqu’au lointain coude que
faisait la rivière. Il n’y avait aucune trace d’habitation et Jondalar se dit
qu’Ayla devait être la seule occupante de cette vallée. Après s’être assise un
court instant près de lui, elle était retournée à la caverne et elle revint
bientôt avec une poignée de graines. Après avoir lancé un trille mélodieux,
elle jeta à la volée les graines sur la corniche non loin de l’endroit où était
assis Jondalar. Que fait-elle ? se demanda-t-il, intrigué, avant
d’apercevoir un oiseau qui, attiré par les graines, se posait sur la corniche.
Aussitôt une nuée d’oiseaux de différentes tailles et de différentes couleurs
se joignirent au premier et se mirent à picorer avec des mouvements saccadés.
Leurs chants emplissaient l’air tandis qu’ils se disputaient les
graines en gonflant leurs plumes. Jondalar, qui observait leur manège, finit
par se rendre compte qu’il n’y avait pas que les oiseaux qui chantaient :
Ayla reproduisait merveilleusement leurs trilles, leurs gazouillis et même
leurs piaillements ! Chaque fois qu’elle choisissait un chant différent,
un des oiseaux venait se poser sur son doigt levé
Weitere Kostenlose Bücher