La Vallée des chevaux
rougir.
Ayla n’était pas pudique et ce n’était pas la première fois
qu’elle voyait un homme nu. Elle désirait que Jondalar s’habille, non par
crainte qu’il prenne froid, mais pour qu’il se protège des esprits maléfiques.
Bien que tenue à l’écart des rites réservés aux hommes du Clan, elle savait que
ceux-ci n’aimaient pas sortir sans couvrir leurs parties génitales. Elle était
étonnée que le fait de penser à ça la trouble autant, la fasse rougir et
accélère les battements de son cœur. Que lui arrivait-il ?
Jondalar baissa les yeux sur son sexe. Lui aussi était superstitieux
pour tout ce qui touchait à cette partie de son anatomie. Mais il savait que si
un zelandoni, à la demande de ses ennemis, lui jetait un sort ou si une femme
le maudissait, il faudrait un peu plus qu’un vêtement pour le protéger de ces
influences maléfiques.
En revanche, il avait appris que même si on pardonnait de bon
cœur ses bévues à un étranger, la sagesse consistait, lorsqu’on voyageait, à
faire attention aux allusions, même les plus subtiles, afin d’offenser le moins
possible ceux qui vous recevaient. Ayla lui avait montré ses parties génitales
et elle avait rougi. Il en déduisait que cela la gênait qu’il sorte sans
vêtement. De toute façon, il n’était pas agréable de s’asseoir par terre quand
on était fesses nues et, quitte à s’habiller, autant le faire maintenant.
Tout à coup, il prit conscience de sa situation : debout
sur une jambe, se tenant à un pieu pour ne pas tomber et tellement impatient de
sortir qu’il ne s’était même pas rendu compte qu’il était tout nu. Il éclata de
rire.
Pour Jondalar, rire était aussi naturel que respirer. Mais il
n’en était pas de même pour Ayla. Elle avait grandi parmi des êtres qui ne
riaient pas. Sachant que cette manifestation de joie était très mal vue, elle
avait cessé de rire afin d’être plus facilement acceptée par le clan. Elle
n’avait redécouvert la joie de rire qu’après la naissance de son fils quand
elle s’était aperçue que lui aussi possédait cette faculté. Il n’était pas
question qu’elle l’encourage ouvertement à rire mais dès qu’ils se retrouvaient
seuls tous les deux, elle ne pouvait s’empêcher de le chatouiller et Durc lui
répondait en gloussant de plaisir.
Pour elle, le rire était plus qu’une simple réponse
spontanée : il représentait un lien unique en son genre avec son fils,
cette part d’elle-même dont il avait hérité, et aussi une manifestation de sa
propre identité. Grâce au lionceau des cavernes, elle avait redécouvert le
plaisir de rire et il n’était plus question d’y renoncer car elle aurait alors
renoncé non seulement au souvenir des moments de joie qu’elle avait partagés
avec son fils, mais aussi à sa propre personnalité.
Durc mis à part, jamais elle n’avait encore entendu rire qui que
ce soit. Et le rire de Jondalar était communicatif. Il riait de bon cœur et
sans aucune retenue. Lorsque Ayla se rendit compte avec quel naturel il se
moquait de lui-même, elle aima aussitôt son rire. Contrairement aux hommes du
Clan, qui lui lançaient des regards de reproche chaque fois qu’elle avait le
malheur de rire, Jondalar avait ri d’une manière si spontanée qu’on avait
aussitôt envie de l’imiter. Non seulement on avait le droit de rire, mais il
était impossible de faire autrement.
Le premier moment de surprise passé, Ayla se mit à sourire, puis
elle éclata de rire à son tour. Elle ne savait pas ce qui avait provoqué
l’hilarité de Jondalar. Elle riait pour faire comme lui.
— Gon-da-lah, dit-elle quand ils eurent recouvré leur
sérieux. Ha-ha-ha-ha... quel mot ?
— Rire, répondit Jondalar.
— Ayla... rire.
— Ayla rit, corrigea Jondalar. Quand on en parle, on
dit : « Le rire. » Mais quand on le fait, on dit :
« Ayla rit. » (En voyant l’air dérouté d’Ayla, il comprit qu’il
s’était aventuré un peu loin.) C’est un peu compliqué. Je t’expliquerai cela
plus tard.
Ayla devint songeuse. Elle commençait à se rendre compte qu’il
ne suffisait pas de connaître des mots pour savoir parler. Elle en connaissait
déjà beaucoup, mais elle ne parvenait pas pour autant à exprimer ce qu’elle
pensait. Ce qu’elle avait beaucoup de mal à saisir, c’était la manière dont les
mots s’agençaient et le sens qu’ils prenaient alors. Quand Jondalar lui
parlait, elle avait beau
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