La Vallée des chevaux
toi si j’ai pu la monter, Ayla. En plus,
j’ai bien d’autres raisons de te remercier. Tu as fait énormément pour moi et
tu m’as soigné.
— Est-ce que le poulain remercie Whinney de s’être occupée
de lui ? Tu avais besoin que quelqu’un s’occupe de toi et je l’ai fait.
Pourquoi vouloir me dire merci ?
— Tu m’as aussi sauvé la vie !
— Je suis une Femme Qui Guérit, Jondalar. Il est inutile de
me remercier, dit-elle simplement.
— Je sais bien que c’est inutile et que tu es une Femme Qui
Guérit. Mais, pour moi, il est important que tu saches ce que je ressens. Quand
quelqu’un vous aide, on le remercie. Cette marque de politesse fait partie de
nos coutumes.
Ils s’engagèrent l’un derrière l’autre sur l’étroit sentier.
Ayla ne disait rien et elle réfléchissait. Ce que venait de lui dire Jondalar
lui rappelait les paroles de Creb. Mog-ur lui avait expliqué un jour qu’il
était impoli de regarder de l’autre côté des pierres qui délimitaient le foyer
d’un homme. Elle avait eu beaucoup de mal à respecter cet interdit :
c’était encore plus difficile que d’apprendre le langage du Clan. Jondalar
venait de lui expliquer qu’exprimer sa gratitude était une marque de politesse
pour les Zelandonii et faisait partie de leurs coutumes. A nouveau, elle éprouvait
la même difficulté : elle se sentait complètement perdue.
Pourquoi désirait-il lui exprimer sa gratitude alors qu’il
venait de lui faire honte ? Si un homme du Clan avait manifesté un tel
mépris à son égard, elle aurait carrément cessé d’exister à ses yeux. Elle
allait avoir du mal à se plier aux coutumes des Zelandonii. Et même si elle
était désireuse de les respecter, cela ne retirait rien au sentiment
d’humiliation qu’elle éprouvait. Jondalar désirait mettre fin au malentendu qui
les divisait. Il l’arrêta au moment où elle allait pénétrer dans la caverne et
lui dit :
— Je suis désolé de t’avoir offensée.
— Offensée ? Je ne comprends pas ce mot.
— Je pense que tu es en colère à cause de moi et que je
t’ai contrariée.
— Je ne suis pas en colère. Mais c’est vrai que je suis
contrariée. Qu’elle admette le fait aussi facilement étonna Jondalar.
— Je te fais toutes mes excuses.
— Tes excuses ! C’est encore de la politesse,
non ? Une coutume de ton peuple ? A quoi sert un mot comme excuses,
Jondalar ? Cela ne change rien à rien et je ne me sens pas mieux pour
cela.
Elle a raison, songea Jondalar en se passant la main dans les
cheveux. Quoi qu’il ait fait – et il pensait savoir quelle faute il
avait commise –, s’excuser n’avançait à rien. De même que cela n’avait
servi à rien de faire comme s’il n’y avait pas de problème. Il avait préféré
éluder la question de crainte de se sentir plus gêné qu’avant. Mais ce n’était
pas une solution.
Dès qu’ils se trouvèrent à l’intérieur de la caverne, Ayla se
débarrassa de son panier et ranima le feu pour le repas du soir. Jondalar posa
son panier à côté du sien, puis il s’installa sur une natte non loin du feu et
la regarda préparer à dîner.
Même si elle utilisait maintenant les outils qu’il lui avait
donnés après avoir découpé le cerf, pour certaines tâches elle préférait se
servir des siens. Jondalar trouvait qu’elle maniait son couteau grossier,
débité sur un éclat de silex bien plus lourd que ses propres lames, avec autant
de dextérité que s’il s’agissait d’un couteau à manche, plus petit et plus
sophistiqué. En tailleur de silex expérimenté, il comparait les mérites
respectifs des deux outils. Il se disait que ce n’était pas tant une question
de tranchant : les outils d’Ayla coupaient aussi bien que les siens. Mais
si l’on voulait que chaque membre de la tribu possède ses propres outils,
quelle quantité de silex il fallait utiliser ! Sans parler des problèmes
de transport que cela devait poser.
Gênée qu’il la regarde avec autant d’insistance, Ayla s’éloigna
du feu dans l’espoir de distraire son attention et s’approcha des claies pour y
prendre de la camomille. Elle allait se préparer une infusion calmante. Son
embarras manifeste rappela à Jondalar qu’il n’avait toujours pas osé aborder le
problème. Prenant son courage à deux mains, il lui dit :
— Tu as raison, Ayla. Ça ne sert à rien de s’excuser. Mais
je ne savais pas quoi dire d’autre. J’ignore en quoi
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