La Vallée des chevaux
animaux, si les esprits peuvent se mélanger et si les enfants naissent...
— Crois-tu vraiment que ce soit les esprits ?
l’interrompit Ayla. Jondalar semblait si sûr de lui qu’elle en venait à se dire
qu’il avait peut-être raison.
— Que ce soit les esprits ou pas, tu n’es pas la seule à
avoir eu un enfant qui est un mélange d’être humain et de Tête Plate, même si
les gens n’en parlent pas...
— Les gens du Clan sont aussi des êtres humains !
l’interrompit Ayla.
— Tu ne vas pas cesser d’entendre ce nom de Têtes Plates,
Ayla. Je tiens à te le dire. Il faut aussi que tu saches que le fait qu’un
homme force une femme du Clan est une chose qu’on admet même si on ne
l’approuve pas. Mais qu’une femme partage les Plaisirs avec un homme Tête Plate
est... impardonnable aux yeux de la plupart des gens.
— Monstrueux ?
Jondalar blêmit, mais il continua.
— Monstrueux, oui, Ayla.
— Je ne suis pas un monstre ! s’écria-t-elle avec
colère. Et Durc non plus ! Je n’aimais pas ce que Broud me faisait mais ce
n’était pas monstrueux. Si un autre homme du Clan avait voulu assouvir son
désir avec moi et qu’il n’ait pas agi par haine, comme Broud, j’aurais accepté
comme n’importe quelle autre femme du Clan. Et si j’avais pu, j’aurais continué
à vivre avec eux, même en tant que seconde compagne de Broud. Rien que pour
rester avec mon fils. Je m’en fiche que, pour la plupart des gens, ce soit
impardonnable.
Jondalar admirait son attitude. Mais il savait aussi quelles
difficultés elle allait lui valoir.
— Je ne te demande pas d’avoir honte, Ayla. Je t’explique
seulement à quoi il faut t’attendre. Il faudrait mieux peut-être que tu dises
que tu appartiens à un autre peuple ?
— Pourquoi me demander de dire des mots qui sont
faux ? De toute façon, j’en serais incapable. Dans le Clan, personne ne
dit jamais quelque chose qui n’est pas vrai. Cela se verrait tout de suite et
tout le monde s’en apercevrait. Il arrive parfois que quelqu’un se retienne de
dire quelque chose. Si c’est par... politesse, il en a le droit. Mais personne
n’est dupe. Quand tu me dis des mots qui ne sont pas vrais, je m’en aperçois aussitôt.
Ça se voit sur ton visage, dans le mouvement de tes mains et de tes épaules.
Jondalar rougit. Ses mensonges étaient-ils donc si
apparents ? Il se félicita d’avoir choisi d’être scrupuleusement sincère
avec elle. Au moins lui avait-elle appris cela. Sa sincérité et sa franchise
faisaient intimement partie de sa force intérieure.
— Il n’est pas utile que tu apprennes à mentir, Ayla. Je
tenais simplement à te dire ça avant de partir.
Ayla sentit un pincement au creux de l’estomac. Il va partir, se
dit-elle, prise d’une folle envie de se cacher à nouveau la tête sous les
fourrures.
— Je savais que tu t’en irais un jour, dit-elle. Mais tu
n’as rien pour voyager. De quoi as-tu besoin ?
— Si tu me donnes quelques silex, je pourrai fabriquer des
outils et des armes. Il faudra aussi que je répare les vêtements que je portais
quand tu m’as trouvé. Je récupérerai aussi mon havresac.
— Qu’est-ce qu’un havresac ?
— C’est le nom que donnent les Mamutoï au sac que je
portais lorsque tu m’as trouvé. Le mot « havresac » n’existe pas en zelandonii.
Nous disons : sac, tout simplement...
— Comment est-il possible qu’il y ait des mots
différents ? demanda Ayla en ouvrant de grands yeux.
— Le mamutoï est une autre langue.
— Une autre langue ? Quelle langue m’as-tu apprise ?
— Je t’ai appris à parler zelandonii, la langue de mon
peuple, dit Jondalar d’une voix mal assurée.
— Les Zelandonii vivent à l’ouest ?
— Très loin à l’ouest. Les Mamutoï vivent tout près d’ici.
— Tu m’as appris la langue d’un peuple qui vit très loin et
tu ne m’as pas appris celle du peuple qui vit tout près ! Pourquoi ?
— Je n’ai pas réfléchi. Je t’ai appris ma propre langue,
avoua-t-il d’un air malheureux.
J’ai tout fait de travers ! faillit-il ajouter.
— Toi mis à part, personne ne parle cette langue ?
Jondalar hocha la tête. Le cœur d’Ayla se serra. Elle avait cru
que Jondalar lui avait été envoyé pour qu’elle apprenne à parler et il était le
seul à qui elle puisse s’adresser !
— Pourquoi ne m’as-tu pas appris la langue que tout le
monde parle ?
— Ce genre de langue
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