La Vallée des chevaux
pour s’adresser aux esprits ou lorsqu’ils
veulent parler à quelqu’un qui n’utilise pas le même langage. Cette Ancienne
Langue fait partie de leurs souvenirs, alors que moi, il a fallu que je
l’apprenne. Comme je ne possédais aucun de leurs souvenirs, j’étais obligée
d’être très attentive pour apprendre le plus vite possible. Car les gens
s’impatientaient quand ils étaient obligés de me rappeler deux fois la même
chose.
— Si j’ai bien compris, intervint Jondalar, ces... gens du
Clan possèdent, en plus de leur propre langue, un langage très ancien connu de
tous. Chacun est capable de parler... ou de communiquer plutôt, avec n’importe
qui.
— C’est ce qui se passe en effet lors du Rassemblement du
Clan.
— Nous parlons bien des mêmes gens ? Des Têtes
Plates ?
— Oui, si c’est là le nom que tu donnes à ceux du Clan, dit
Ayla en baissant les yeux. Tu l’as prononcé pour la première fois lorsque je te
les ai décrits, juste avant de dire que j’étais un monstre.
Ayla se rappela le regard glacial dont il l’avait gratifiée
lorsqu’elle lui avait parlé du Clan et son mépris non déguisé pour ceux qui
l’avaient élevée. Le pire était qu’il avait eu cette réaction à un moment où,
justement, elle avait l’impression qu’ils commençaient à se comprendre. Elle
avait beau s’expliquer, il semblait avoir du mal à accepter ce qu’elle disait.
Pourquoi s’était-elle laissée aller à discuter de nouveau avec lui ?
Soudain mal à l’aise, elle s’approcha du feu et, pour s’occuper,
commença à plumer les deux lagopèdes que Jondalar avait posés à côté du foyer.
Jondalar comprenait sa réaction : il l’avait blessée trop
profondément et avait perdu sa confiance. Il alla chercher les fourrures d’Ayla
et les remit sur sa couche. Puis il prit les siennes et les déposa de l’autre
côté du feu.
Ayla arrêta aussitôt de plumer les oiseaux et se précipita sur
sa couche. Elle ne voulait pas que Jondalar la voie pleurer.
Couché dans ses fourrures de l’autre côté du foyer, Jondalar
essayait de trouver une position confortable pour s’endormir. Il repensait aux
dernières paroles d’Ayla. Les Têtes Plates semblaient posséder des souvenirs
d’un genre bien particulier et un langage gestuel connu de tous. Il avait du
mal à le croire. Et pourtant, il ne pouvait mettre ses paroles en doute :
elle ignorait ce qu’était le mensonge.
Ayla avait vécu seule pendant des années. Même si elle
appréciait la compagnie de Jondalar, la simple présence d’une autre personne
exigeait d’elle un effort d’adaptation continuel et les émotions de la journée
l’avaient épuisée. Elle ne voulait plus réfléchir ni penser à quoi que ce soit
et n’aspirait qu’au repos.
Néanmoins, elle n’arrivait pas à s’endormir. Elle avait mis tous
ses espoirs dans le fait de savoir parler et elle avait l’impression que
Jondalar l’avait trompée. Pourquoi lui avait-il appris sa propre langue ?
il allait partir et elle ne le reverrait jamais. Au printemps, elle serait
obligée de quitter la vallée pour rejoindre ceux qui vivaient à proximité. Il
lui faudrait trouver un autre homme.
Mais elle n’avait aucune envie d’en chercher un autre. C’est
Jondalar qu’elle désirait : Jondalar, son regard irrésistible et ses
caresses. Au début, elle n’avait vu en lui que le premier représentant des
Autres qu’il lui était donné de rencontrer. Même si elle ignorait à quel moment
exactement le changement s’était produit, Jondalar était devenu un individu à
part entière. C’est Jondalar qui lui manquait ce soir, le bruit de sa
respiration et la chaleur de son corps, allongé à côté du sien. Que sa couche
soit vide était encore plus dur à supporter que le douloureux vide intérieur
qu’elle ressentait.
Jondalar, lui non plus, n’arrivait pas à trouver le sommeil.
Privé de la chaude présence d’Ayla, il n’arrêtait pas de se tourner d’un côté
et de l’autre en se faisant des reproches. Non seulement il avait accumulé les
erreurs, mais il n’avait pas pensé à lui apprendre la langue dont elle allait
avoir besoin. Son peuple habitait à plus d’une année de marche d’ici et jamais
elle n’aurait l’occasion d’utiliser le zelandonii !
Repensant soudain au long Voyage qu’il avait effectué en
compagnie de son frère, il le trouvait maintenant totalement inutile. Depuis
combien d’années
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