La Vallée des chevaux
était-il parti ? Trois ans ? Quand il rentrerait, il
aurait donc été absent quatre ans. Quatre ans de sa vie envolés ! Pour
rien. Thonolan était mort, Jetamio aussi et même l’enfant de l’esprit de son
frère. Que restait-il ?
Depuis son adolescence, Jondalar avait appris à contrôler ses
émotions. Et pourtant, lui aussi, ce soir-là, il pleura. Il ne pensait pas
seulement à la mort de son jeune frère, il songeait aussi à la chance
merveilleuse qu’il avait laissé passer.
25
Jondalar venait de rêver de chez lui. Les images étaient encore
si nettes dans son esprit lorsqu’il ouvrit les yeux et aperçut les parois de la
caverne, qu’il se demanda où il se trouvait. Puis il se dit que les parois
n’étaient pas à leur place habituelle. Enfin il comprit qu’étant couché de
l’autre côté du foyer, il voyait pour la première fois la caverne sous un angle
différent.
Ayla n’était pas là. Elle avait fini de plumer les lagopèdes,
posé les deux oiseaux près du foyer et placé leurs plumes dans un panier fermé
juste à côté. Cela devait faire un certain temps qu’elle était debout. Le bol
de Jondalar – celui qu’il utilisait habituellement et dont le grain
rappelait la forme d’un petit animal – était sorti. A côté du bol se
trouvait un panier tressé serré dans lequel infusait sa boisson matinale, ainsi
qu’une courte branche de bouleau fraîchement écorcée. Ayla savait qu’il aimait
mâchonner l’extrémité d’une branche à son réveil pour débarrasser ses dents des
dépôts accumulés pendant la nuit et elle avait pris l’habitude d’en préparer
une pour lui chaque matin.
Jondalar se leva et s’étira. Il se sentait un peu raide d’avoir
dormi à même le sol. Ce n’était pas la première fois qu’il dormait à la dure,
mais le matelas en paille sur lequel il couchait d’ordinaire l’avait habitué à
plus de confort. En plus, cette paille sentait bon et était toujours
parfaitement propre. Ayla la changeait régulièrement pour qu’elle ne s’imprègne
pas de mauvaises odeurs.
L’infusion était chaude, Jondalar en déduisit que la jeune femme
ne devait pas être loin. Il remplit son bol et huma le parfum de menthe que
dégageait la boisson. Chaque matin, il s’amusait à essayer de deviner quelles
plantes elle avait utilisées. Il y avait presque toujours de la menthe, la
plante préférée d’Ayla. Il avala une gorgée et crut reconnaître le goût des
feuilles de framboisier et peut-être une note de luzerne. Il saisit la
brindille de bouleau et sortit.
Debout au bord de la corniche, il mâchonna la brindille tout en
regardant son jet d’urine jaillir en arc de cercle et mouiller la paroi de la
falaise. Il n’était pas tout à fait réveillé et agissait de manière machinale.
Lorsqu’il eut terminé, il se brossa les dents avec le bout de bois dont il
avait hérissé les fibres en les mordillant, puis se rinça la bouche avec une
gorgée d’infusion. C’était un rituel ravigotant à la suite duquel il se sentait
les idées plus claires pour faire des projets pour la journée.
Son sentiment de bien-être s’évanouit vite : à peine
avait-il fini de boire son infusion qu’il rougit brusquement en songeant à ce
qui s’était passé la veille. La journée d’aujourd’hui risquait de ne ressembler
en rien à celles qui l’avaient précédée. Et pour cause... Au lieu de jeter la
brindille, il la fit tourner entre son pouce et son index en réfléchissant à ce
que représentait ce petit bout de bois préparé chaque matin à son intention.
Il lui avait été facile de laisser Ayla prendre soin de
lui : elle s’acquittait en effet de cette tâche avec une subtile
délicatesse. Elle anticipait ses désirs sans qu’il ait besoin de lui demander
quoi que ce soit. La brindille qu’il venait de mâcher en était un parfait
exemple. Elle s’était levée avant lui, était allée la couper, en avait retiré
l’écorce et l’avait placée à côté du foyer pour qu’il puisse s’en servir à son
réveil. Quand avait-elle commencé à faire ça ? Il se rappelait qu’un
matin, encore faible sur ses jambes, il avait cueilli une brindille en arrivant
en bas du sentier. Le lendemain, Ayla en avait posé une à côté de son bol
d’infusion. Il lui en avait été très reconnaissant car, à cette époque, ses pas
étaient mal assurés.
Et l’infusion chaude, alors ? Quelle que soit l’heure de
son réveil, il
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