La Vallée des chevaux
une seule de ces bêtes, nous en avons déjà
largement assez.
Jondalar était toujours debout à l’entrée de la caverne et il
n’avait pas lâché sa sagaie. Il était tellement abasourdi qu’au lieu de
répondre il ne réussit à émettre qu’un son étouffé. Puis retrouvant sa voix, il
dit :
— D’accord ? Tu penses bien que je suis
d’accord ! Tu peux même lui donner les deux ! Laisse-le emporter tout
ce qu’il veut.
— Bébé n’a pas besoin de ces deux bisons, répondit Ayla.
Jondalar n’avait pas compris le mot qu’elle employait pour
désigner le lion, mais il se dit que ce devait être son nom.
— Non, Bébé ! Ne prends pas la génisse !
intervint-elle, en utilisant à nouveau un mélange de gestes et de sons.
Quand Jondalar vit que le lion se détournait de la génisse pour
s’approcher du jeune bison, il eut un hoquet de surprise. Bébé venait de saisir
entre ses énormes crocs le cou rompu du bison et il le traînait hors de la
corniche. Il s’engagea alors dans le sentier, suivi par Ayla.
— Je ne serai pas longue, dit-elle. Je vais descendre avec
lui. Il risque de rencontrer Whinney et son poulain et de faire peur à Rapide.
Jondalar la regarda s’éloigner jusqu’à ce qu’elle disparaisse de sa vue. Puis
il la vit réapparaître au pied de la falaise qui longeait la vallée, marchant
tranquillement derrière le lion qui traînait le bison sous son ventre.
Quand ils eurent atteint le gros rocher, sur un signe d’Ayla le
lion lâcha sa proie. Jondalar, qui n’en croyait pas ses yeux, vit la jeune
femme grimper sur le dos du prédateur. Elle leva son bras qu’elle lança en avant,
puis agrippa la crinière de l’énorme félin au moment où celui-ci bondissait.
Accrochée fermement à sa monture, sa longue chevelure flottant au vent, Ayla
filait à toute allure à travers le pré. Puis le lion ralentit et la ramena vers
le rocher.
Il saisit à nouveau le jeune bison et commença à descendre vers
le fond de la vallée. Ayla était restée debout à côté du rocher et elle le
regardait s’éloigner. A un moment donné, il s’arrêta à nouveau, lâcha le bison,
grogna, puis émit un tel rugissement que Jondalar en fut glacé jusqu’aux os.
Quand le lion eut disparu, Jondalar prit une profonde
inspiration et s’appuya à la paroi de la caverne. Il avait du mal à retrouver
ses esprits et était un peu effrayé. Qu’est-ce que c’est que cette femme ?
se demanda-t-il. Quel pouvoir magique a-t-elle ? Les oiseaux et les
chevaux, passe encore... mais un lion des cavernes ? Le plus gros lion que
j’aie jamais vu...
Est-elle une... donii ? A part la Mère, qui est capable de
faire obéir les animaux ? Et son art de guérir ? Ou sa prodigieuse
facilité à apprendre à parler ? Elle parle maintenant mamutoï presque
aussi bien que moi... Est-elle une incarnation de la Mère ?
En entendant Ayla arriver, il frissonna de crainte. Il
s’attendait presque à ce qu’elle lui annonce qu’elle était une incarnation de
la Grande Terre Mère et si elle l’avait fait, il l’aurait crue sur parole. Mais
au lieu de ça, il vit apparaître en haut du sentier une jeune femme échevelée
dont le visage était sillonné de larmes.
— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il en oubliant
aussitôt ses craintes.
— Pourquoi faut-il que je perde tous mes bébés, répondit
Ayla avec un sanglot.
Jondalar blêmit. Ses bébés ? Le lion était son bébé ?
Il se souvint soudain d’avoir entendu la veille les pleurs de la Mère, la Mère de
tout ce qui vivait sur terre.
— Tes bébés ? demanda-t-il, complètement abasourdi.
— D’abord Durc et ensuite Bébé.
En attendant à nouveau ce mot étrange qu’elle avait prononcé un
peu plus tôt, il lui demanda :
— Est-ce le nom du lion ?
— Oui, cela veut dire : le petit, le nourrisson,
traduisit-elle pour Jondalar.
— Tu appelles ça un petit lion ! Jamais je n’en ai vu
d’aussi gros !
— C’est vrai, reconnut Ayla en souriant avec fierté. Je me
suis toujours débrouillée pour qu’il ait largement à manger. Il a été beaucoup
mieux nourri que s’il avait grandi dans une troupe de lions. Mais quand je l’ai
recueilli, il était tout jeune. Je l’ai appelé Bébé et je ne lui ai jamais
donné d’autre nom.
— Tu l’as trouvé ? demanda Jondalar qui avait encore
du mal à la croire.
— Sa mère l’avait abandonné, croyant qu’il était mort. Il
avait été
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