La Vallée des chevaux
homme ne voudra de moi
comme compagne.
4
Accroupi à l’abri des hautes herbes, Jondalar observait la
horde de chevaux. Il s’était placé face au vent pour que les animaux ne
puissent pas déceler sa présence et s’était enduit le corps et les aisselles de
crottin afin que les chevaux ne sentent pas son odeur au cas où le vent
tournerait.
Ses épaules en sueur et couleur de vieux bronze brillaient au
soleil. Une longue mèche blonde, échappée de la lanière en cuir qui retenait
ses cheveux sur la nuque, lui balayait le front à chaque coup de vent et il
était entouré d’un nuage de mouches qui, attirées par le crottin, se posaient
sur son dos. A force de garder la même position, il commençait à avoir une
crampe dans la cuisse gauche.
Insensible à tout ça, il ne quittait pas des yeux l’étalon qui
piaffait et reniflait nerveusement comme si quelque sens mystérieux venait de
l’avertir du danger qui menaçait son harem. Les juments continuaient à paître
comme si de rien n’était. Elles devaient pourtant être inquiètes car elles
s’étaient déplacées et se retrouvaient maintenant entre leurs poulains et les
deux hommes.
A quelques mètres de là, accroupi lui aussi, Thonolan se tenait
prêt, une sagaie à la hauteur de l’épaule droite, l’autre dans sa main gauche.
Quand il jeta un coup d’œil à Jondalar, celui-ci leva la tête et regarda en
direction d’une jument brune. Thonolan acquiesça en silence et équilibra avec
soin son arme.
Avec un ensemble parfait, les deux frères bondirent et se ruèrent
sur la horde. L’étalon se cabra et poussa un long hennissement. Thonolan visa
la jument tandis que Jondalar se précipitait vers l’étalon en poussant des
hurlements pour l’effrayer. La ruse marcha. Habitué à des prédateurs silencieux
et furtifs, l’étalon prit peur : il hennit à nouveau, fit quelques pas en
direction de Jondalar, puis, après un brusque écart, partit au galop pour
rejoindre la horde en fuite.
Les deux frères se précipitèrent à sa suite. Quand l’étalon
s’aperçut que la jument blessée ralentissait l’allure, il s’approcha d’elle et
lui mordit les flancs pour l’obliger à continuer. Les deux hommes crièrent à
nouveau en agitant les bras. Mais cette fois-ci, l’étalon tint bon : il
s’interposa entre eux et la jument, ruant pour les empêcher d’approcher.
Celle-ci fit encore quelques pas hésitants, puis elle s’immobilisa, la tête
pendante. A l’endroit où la sagaie de Thonolan s’était enfoncée dans son flanc,
le sang ruisselait sur son pelage et tombait goutte à goutte de ses poils
emmêlés.
Jondalar s’approcha le plus près possible et lui porta un coup.
La jument eut un sursaut, puis elle trébucha. Quand elle s’effondra, la sagaie
de Jondalar vibrait encore à la base de son cou. L’étalon s’approcha d’elle, il
la flaira, se cabra et hennit craintivement. Faisant demi-tour, il repartit au
galop pour rejoindre la horde et protéger sa fuite.
— Je vais aller chercher nos sacs, proposa Thonolan
lorsqu’ils se furent approchés de la jument. Mieux vaut apporter l’eau dont
nous avons besoin plutôt que de traîner cette jument jusqu’à la rivière.
— Nous n’avons pas besoin de faire sécher toute cette
viande, intervint Jondalar. Prenons ce qu’il nous faut et emportons-le au bord
de la rivière. Cela nous évitera de charrier de l’eau.
— Pourquoi pas ? Je vais chercher une hache pour
rompre les os. Quand Thonolan fut parti, Jondalar prit son couteau à manche
d’os et, après avoir dégagé les sagaies, il s’en servit pour trancher la gorge
de la jument.
— Puisque tu retournes à la Grande Terre Mère, remercie-La,
dit-il à l’animal dont la tête baignait dans une mare de sang.
D’un geste inconscient, il caressa la statuette en pierre qu’il
portait toujours sur lui. Zelandoni a raison, songea-t-il. Si les enfants de la
Terre oublient qui subvient à leurs besoins, un jour ils risquent de
s’apercevoir qu’ils n’ont plus de foyer. Reprenant son couteau, il se dit que
le moment était venu de puiser dans les réserves de Doni.
— Je viens d’apercevoir une hyène, annonça Thonolan, qui
était de retour. J’ai l’impression que nous n’allons pas être les seuls à
manger.
— La Mère n’aime pas le gaspillage, rappela Jondalar en
levant ses deux bras couverts de sang jusqu’aux épaules. D’une façon ou d’une
autre, tout retourne à la
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