La Vallée des chevaux
de
Doni se cache derrière ces saules.
— Si c’était le cas, je ne te le dirais pas, répondit
Jondalar avec un sourire contraint. (Puis il ajouta, en souriant franchement
cette fois :) Inutile de faire des mauvaises plaisanteries pour me
dérider, Petit Frère. J’ai bien l’intention de continuer à voyager avec toi,
jusqu’à l’embouchure du fleuve s’il le faut. J’aimerais simplement savoir ce
que nous ferons là-bas.
— Tout dépendra de ce que nous découvrirons. Pour
l’instant, je ferais mieux d’aller me recoucher. Quand tu broies du noir, ta
compagnie n’a rien d’agréable. Il n’empêche que je suis content que tu aies
décidé de m’accompagner. J’ai fini par m’habituer à ta présence et même à tes
mauvaises humeurs.
— En cas de danger, mieux vaut être deux.
— Du danger, je n’en vois pas beaucoup pour l’instant.
Dommage ! Au moins on aurait de quoi s’occuper en attendant que cette
viande ait fini de sécher.
— Il faudra compter quelques jours avant de pouvoir
repartir, fit remarquer Jondalar. Mais puisque tu ne tiens pas en place,
inutile que je te dise ce que j’ai vu...
— Vas-y ! De toute façon, tu finiras toujours par me
le raconter.
— Il y a dans le fleuve un esturgeon tellement gros...
commença Jondalar. Mais à quoi bon essayer de le pêcher ? Il faudrait
attendre qu’il sèche et ça, tu...
— Gros comment ? coupa Thonolan en se levant aussitôt.
— Il est tellement gros que je ne suis pas sûr qu’à nous
deux nous réussissions à le sortir de l’eau.
— Montre-le-moi.
— Pour qui me prends-tu ? Je ne suis pas la Grande
Mère, moi ! Je ne peux pas demander aux poissons de sortir de l’eau sous
tes yeux. (Comme Thonolan semblait déçu, il ajouta :) Suis-moi, je vais te
montrer où je l’ai vu.
Les deux frères firent quelques pas le long de la rive et s’arrêtèrent
près d’un arbre effondré dont une partie était à moitié immergée dans l’eau. Au
moment où ils se penchaient pour regarder, une ombre impressionnante remonta
sans bruit le courant puis s’immobilisa sous les branches de l’arbre, tout près
du fond, ondulant légèrement à contre-courant.
— Ça doit être la grande mère de tous les poissons, murmura
Thonolan.
— Crois-tu que nous arriverions à le sortir de l’eau ?
— Nous pouvons toujours essayer !
— Il y a de quoi nourrir toute une Caverne !
Qu’allons-nous en faire si nous l’attrapons ?
— C’est toi-même qui m’as dit que la Grande Mère n’aimait
pas le gaspillage. Les hyènes et les gloutons se partageront les restes. Allons
chercher nos sagaies, proposa Thonolan pressé de passer à l’action.
— Elles ne nous serviront à rien. Nous avons besoin d’une
gaffe.
— Il faut du temps pour fabriquer une gaffe, intervint
Thonolan, et cet esturgeon risque de ne plus être là quand nous aurons fini.
— Si tu utilises la sagaie, il va filer. Il nous faut une
perche avec un croc. Nous n’aurons aucun mal à en fabriquer une. Regarde cet
arbre là-bas. Il suffit de choisir une belle branche fourchue et de la couper
au-dessous de la fourche. Nous n’aurons pas besoin de la consolider puisque
nous ne nous en servirons qu’une fois. Quant au croc, continua Jondalar en
accompagnant ses explications des gestes appropriés, nous n’avons qu’à
raccourcir une des deux bifurcations de la fourche et la tailler en pointe...
— A quoi bon se donner tout ce mal si l’esturgeon n’est
plus là l’interrompit Thonolan.
— Il est déjà venu deux fois à cet endroit – il
doit aimer s’y reposer. Même s’il s’en va, je suis sûr qu’il reviendra.
— N’empêche... ça va nous prendre du temps.
— Au moins, ça nous occupera.
— D’accord ! Tu as gagné ! Occupons-nous de cette
gaffe.
Les deux frères s’apprêtaient à rejoindre leur tente quand
soudain ils s’immobilisèrent : un groupe d’hommes les entouraient et leur
attitude était pour le moins hostile.
— D’où sortent-ils ? chuchota Thonolan.
— Ils ont dû apercevoir notre feu. A mon avis, ça fait un
bon bout de temps qu’ils nous guettent. Avant de s’approcher, ils ont attendu
que nous ne soyons plus sur nos gardes. Je te signale que nos sagaies sont
restées dans la tente.
— Ils n’ont pas l’air très sociables. Aucun d’eux ne nous a
salués. Que faisons-nous ?
— Fais-leur un grand sourire, le plus amical possible, et
le geste de
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