La Vallée des chevaux
gisait au fond de la fosse. Sa robe grisâtre tachée de
sang et maculée de boue, elle ne bougeait plus.
Petit à petit, Ayla sentit monter en elle une émotion qu’elle
n’avait encore jamais ressentie. Venu du plus profond d’elle-même, un cri de
victoire franchit ses lèvres. Elle avait réussi !
A cette seconde, dans une vallée solitaire nichée au cœur d’un
vaste continent, à la frontière entre les steppes arides du nord et les
prairies plus verdoyantes du sud, une jeune femme, armée d’une massue en os,
mesurait pour la première fois l’étendue de son pouvoir. Elle était capable de
rester en vie ! Elle resterait en vie.
L’exaltation d’Ayla fut de courte durée. Un coup d’œil lui
suffit pour comprendre qu’elle ne pourrait jamais sortir l’animal de la fosse.
Elle devrait découper la jument sur place et transporter la viande jusqu’à la
plage avant que l’odeur du sang n’attire les prédateurs. Seul le feu saurait
les éloigner et il faudrait qu’elle l’entretienne jusqu’à ce que la viande ait
fini de sécher.
Même si elle était épuisée par la nuit qu’elle venait de passer,
elle ne pouvait pas se permettre de se reposer. C’était bon pour les hommes du
Clan d’aller s’allonger après la chasse en laissant aux femmes le soin de
découper le gibier et de le transporter. Pour Ayla, le travail ne faisait que
commencer.
Après avoir tranché la gorge de la jument, elle retourna à la
plage pour prendre sa tente en peau d’aurochs et ses outils en silex. En
revenant vers la fosse, elle aperçut la horde de chevaux qui, galopant
toujours, se trouvait maintenant à l’extrême limite de la vallée.
Aussitôt, elle se mit à l’ouvrage. Pataugeant dans la boue et le
sang, elle commença à découper l’animal en essayant de ne pas abîmer la peau
plus qu’elle ne l’était déjà. Au fur et à mesure, elle plaçait les morceaux de viande
dans la peau d’aurochs. Quand celle-ci fut pleine, les charognards étaient déjà
arrivés et ils arrachaient des lambeaux de chair aux os de la jument qu’elle
avait mis de côté. En arrivant à la plage, Ayla déchargea la viande le plus
près possible du feu et alimenta celui-ci avec de grosses branches.
Cette fois-ci, lorsqu’elle s’approcha de la fosse, elle tenait
sa fronde à la main et s’en servit aussitôt contre un renard qui s’enfuit en
poussant un glapissement. Ayla l’aurait bien tué, mais elle n’avait plus de
cailloux. Elle s’avança jusqu’au bord de la rivière pour en choisir
quelques-uns et en profita pour se rafraîchir avant de se remettre au travail.
Lorsqu’elle revint pour la seconde fois sur la plage, elle se
servit à nouveau de sa fronde et tua un glouton qui s’était approché du feu et
était en train d’emporter un énorme quartier de viande. Avant de repartir, elle
récupéra la dépouille du glouton et la plaça près du feu, comme la viande, en
se disant que la fourrure de l’animal lui serait bien utile pendant l’hiver.
Elle eut moins de chance en revanche avec une hyène qui s’était
approchée de l’a fosse et qui réussit à emporter un des jarrets de la jument.
Jamais, depuis qu’elle vivait dans la vallée, elle n’avait vu autant de
carnassiers. Il n’y avait pas que les renards, les hyènes et les gloutons qui
s’intéressaient à son gibier. Des loups et, plus cruels qu’eux encore, des
dholes [4] tournaient autour de la fosse en restant hors de portée de la fronde. Les
faucons et les milans se montraient beaucoup plus téméraires et ne s’enfuyaient
d’un coup d’aile qu’à l’approche d’Ayla. Elle s’attendait à tout moment à voir
apparaître un lynx, un léopard ou le terrible lion des cavernes.
Quand elle eut terminé de transporter la totalité de la viande
jusqu’à la plage, l’après-midi était bien avancé. Elle se laissa tomber près du
feu. Elle n’avait pas dormi de la nuit, pas eu le temps de manger et elle était
épuisée. Finalement, ce furent les mouches qui l’obligèrent à se relever. En
les entendant bourdonner autour d’elle, elle se rendit compte à quel point elle
était sale : son corps et ses vêtements étaient couverts de boue et de
sang. Elle se dirigea vers la rivière et y plongea tout habillée.
L’eau fraîche lui fit du bien. Elle remonta vers la caverne, mit
ses vêtements mouillés à sécher devant l’ouverture, enfila son vêtement en peau
et alla chercher sur sa couche la fourrure sous
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