La Vallée des chevaux
Jondalar.
— Ça, je m’en doute, répondit Thonolan. (Il baissa les yeux
et aperçut les mains couvertes de sang de son frère.) Est-ce mon sang ?
demanda-t-il aussitôt. Tu ferais mieux de me dire la vérité.
— Tu es blessé à l’aine et tu as perdu beaucoup de sang.
Mais le rhinocéros a dû aussi te piétiner car tu as plusieurs côtes cassées.
Pour le reste, je n’en sais rien. Je ne suis pas zelandoni...
— Et pour en trouver un, il faudrait que tu puisses
traverser cette rivière. Ce qui est impossible !
— Exact, Petit Frère !
— Aide-moi à me relever, dit Thonolan. Je veux voir ce que
j’ai. Jondalar faillit refuser, mais finalement accepta et le regretta
aussitôt. Au moment où Thonolan voulut s’asseoir, il cria de douleur et
retomba, inconscient, sur la fourrure.
— Thonolan ! hurla Jondalar.
La blessure de son frère qui, l’instant d’avant, saignait un peu
moins, s’était rouverte. Il alla chercher la tunique propre et, après l’avoir
pliée en quatre, la posa sur la plaie. Puis il sortit de la tente et s’occupa
du feu qui était en train de mourir. Il l’alimenta, remit de l’eau à chauffer
et coupa du bois pour en avoir d’avance.
Quand il revint voir son frère, il s’aperçut que la tunique qui
lui servait de pansement était à nouveau pleine de sang. Cette fois-ci, il ne
s’affola pas. Il écarta le pansement, examina la blessure et se rendit compte
aussitôt qu’elle avait cessé de saigner. Il alla chercher dans son sac un
vêtement dont il se servait quand il faisait très froid, l’étendit sur la
blessure et rabattît la couverture en fourrure sur son frère. Puis, prenant la
tunique ensanglantée, il se dirigea vers la rivière pour la laver. Il en
profita pour se nettoyer les mains et, repensant à cette tunique qu’il était
allé porter en haut de la colline dans l’espoir qu’elle attirerait les
carnassiers, il se sentit un peu ridicule. Comment avait-il pu céder aussi
facilement à la panique ?
Jondalar ne savait pas que, dans certaines situations extrêmes,
quand tous les moyens rationnels ont échoué, la panique peut se révéler bonne
conseillère. Parfois, un acte irrationnel ouvre une solution à laquelle on
n’aurait jamais pensé et qui peut vous sauver la vie.
Ayant recouvré son sang-froid, Jondalar revint près du feu, alla
chercher l’aulne qu’il avait coupé avant que son frère soit blessé, s’assit
près de la tente et commença à l’écorcer rageusement. Même si ça ne rimait plus
à rien de fabriquer cette sagaie, au moins ce travail l’occupait et il se sentait
moins inutile.
La journée suivante fut un véritable cauchemar pour Jondalar. Il
avait passé une très mauvaise nuit. Il s’était levé pour aller voir son frère
chaque fois que celui-ci, à moitié inconscient, gémissait, et lui avait fait
boire de l’infusion de saule, la seule chose qu’il puisse lui offrir. Dans la
matinée, il lui avait préparé un bouillon, mais le blessé y avait à peine
touché. Il grelottait de fièvre, sa blessure était brûlante, son côté gauche
tout contusionné et il supportait à peine le contact de la fourrure sur son
corps douloureux.
En fin de journée, alors que le soleil venait de disparaître à
l’horizon, il ouvrit à nouveau les yeux. Jondalar se trouvait à côté de lui
car, un moment plus tôt, il l’avait entendu gémir dans son sommeil. Il
commençait à faire sombre à l’intérieur de la tente, mais pas assez pour qu’il
ne remarque pas à quel point le regard de Thonolan était vitreux.
— Comment te sens-tu ? demanda-t-il avec un sourire
qu’il espérait encourageant.
Thonolan souffrait trop pour lui rendre son sourire et
l’inquiétude qu’il lisait dans le regard de son frère n’était pas faite pour le
rassurer.
— Je ne me sens pas en état de chasser le rhinocéros,
répondit-il. Les deux frères restèrent silencieux un long moment. Thonolan
avait refermé les yeux en soupirant. Il n’en pouvait plus de lutter contre la
douleur. Sa poitrine le faisait souffrir chaque fois qu’il respirait et la
douleur qu’il ressentait au niveau de l’aine irradiait maintenant dans tout son
corps. S’il avait eu la moindre chance de s’en sortir, il aurait supporté plus
facilement son état mais il voyait bien à quel point la situation était
désespérée : plus Jondalar restait de ce côté-ci du fleuve et plus il
avait de chance d’y être surpris par une
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