La vengeance d'isabeau
résoudre. Son époux n’était pas laid, mais sa chevelure blonde et bouclée l’effrayait.
— N’est-il point un Normand pour avoir ainsi la couleur des blés ? Ne sera-t-il point cruel à mon endroit comme ses ancêtres l’étaient ? Pleurnichait-elle.
Eléonore et Catherine durent la rassurer en lui exposant qu’elles avaient toutes deux été contraintes au mariage d’Etat, et qu’elles s’en félicitaient. La cérémonie en la cathédrale Nostre-Dame fut somptueuse, mais Marie ne sut l’apprécier. En défilant sur le parvis avec les grands du royaume, elle songeait combien ils étaient petits et méprisables pour ceux qui, comme elle autrefois, les regardaient s’agiter depuis les tours. Peut-être Constant était-il juché là-haut sur une des gargouilles. Elle n’osait lever la tête de peur de deviner sa silhouette.
Trois jours avant la cérémonie, elle s’était baignée avec Madeleine, Catherine, Anne et d’autres dames de la cour. La source qui alimentait ce petit lac était chaude, si bien qu’elles l’appréciaient hiver comme été. Elles avaient batifolé comme d’ordinaire, mais Marie avait eu du mal à cacher le trouble qu’elle ressentait. Les paroles du roi la hantaient, d’autant qu’elle était convaincue qu’à les épier cette fois, il n’était pas seul. Elle en rougit pour Madeleine qui nageait sur le dos, ventre offert sans le savoir probablement aux yeux de son futur époux qui s’en régalait assurément.
— M’offrirez-vous votre bras ?
Marie se retourna et esquissa un hochement de tête en réponse au grand maître Anne de Montmorency. Agé d’une quarantaine d’années, c’était le plus bel homme du royaume avec ses traits réguliers, ses lèvres charnues et ses yeux d’un bleu si pur qu’on s’y serait noyé. Il était aussi gourmand de femmes que son roi et sa réputation d’amant attirait elle aussi tous les échos, à double titre puisqu’il s’obstinait à demeurer célibataire, affirmant à qui le lui reprochait qu’il exécrait l’adultère et n’avait d’autre solution que le célibat pour y remédier. L’homme était charmeur, plaisant, il avait de l’humour autant que de la pratique guerrière, des vertus autant que des actions d’éclat à son actif.
En allongeant son pas dans le sien vers la cathédrale, Marie chassa avec humeur ses regrets dans l’ombre du passé.
« Moi aussi, j’ai choisi mon roi, songea-t-elle, contrainte par ton orgueil et ta volonté, Constant. Puisses-tu ne jamais le regretter. »
17
Les tournois succédaient aux tournois dans une atmosphère de liesse en ce mois de janvier 1537 et le jeune Henri n’avait de cesse de les remporter pour Diane de Poitiers. Marie s’en réjouissait. Malgré la feinte indifférence de Catherine de Médicis, elle savait qu’elle s’en tourmentait.
Ce n’est somme toute, prétendait la duchessina , qu’un amour courtois. De ces amours qui font les légendes. Jamais Diane ne céderait à ce jouvenceau qu’elle avait tenu nouveau-né dans ses bras. Tout juste s’attendrissait-elle de cette attention qu’il lui prêtait. Henri pouvait bien se pâmer, l’honneur des Médicis n’en pâtirait pas. Elle se trompait.
Pour se venger, Marie tenait à favoriser l’amour sincère d’Henri pour cette femme qui, jamais, n’avait trahi ou comploté. Diane avait trente-sept ans, mais était fort loin d’être fanée. De fait, peu de femmes dans le royaume pouvaient soutenir son éclatante beauté.
Marie se laissait inviter de plus en plus souvent au château d’Ecouen, chez Anne de Montmorency. Il semblait avoir choisi en elle sa nouvelle maîtresse et elle en acceptait l’idée, sans toutefois céder à ses regards empressés. Les fêtes que le grand maître organisait étaient somptueuses. La musique, le vin, les jeux s’orchestraient savamment sur des thèmes sans cesse renouvelés, mais le plus souvent badins. Dans certaines pièces du château où ils se réunissaient, les amants des unes se perdaient sur les bouches des maîtresses des autres dans un subtil jeu d’échange et de frivolité. Marie s’en tenait écartée, préférant, loin de ces tourbillons effrayants et immoraux, se laisser courtiser par leur hôte. Lorsque le vin le rendait plus entreprenant, elle prenait congé. Diane venait, elle aussi, et Henri lui servait de galant empressé, amusant les convives. Marie et elle avaient sympathisé dans le secret des boudoirs. Tandis
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