La vengeance d'isabeau
abréger les réceptions en son honneur. Il puisa dans la solitude de sa chambre toute la réflexion qui lui était nécessaire pour ne pas punir sur-le-champ Montmorency. Il finit par s’accorder à l’idée de sa sœur afin de ne pas compromettre la perspective d’un Milanais retrouvé, même s’il avait désormais des doutes à ce sujet. De son écriture ferme et penchée, il informa Marguerite qu’il abondait dans son sens et veillerait à ce que justice soit rendue au mieux des intérêts du royaume. Prenant ensuite un autre vélin, il griffonna ces mots à l’intention de Marie :
« Soyez certaine de l’affection que je vous porte et du plaisir que j’en ai. »
Au matin suivant, contre sa mauvaise humeur qui eût crucifié sur l’heure son connétable souriant de fausseté, il remettait son courrier à la poste et offrait à Charles Quint de visiter une abbaye.
Celui-ci accepta volontiers. Durant le trajet, François lui expliqua que depuis août dernier il avait rédigé un édit obligeant les annotiers des paroisses à tenir registre complet de tous les décès, naissances ou mariages selon jour et heure exacte que les Français devraient leur déclarer, afin, précisa-t-il, que l’on sache en ce pays qui y vivait et mourait.
— Voyez, mon cher beau-frère, acheva-t-il, combien tant de magnificence peut nourrir tant de belles idées.
Charles Quint pour toute réponse se contenta d’étaler ses titres et qualités sur le registre que l’abbé lui tendait. Le roi, qui derrière sa gaieté cachait un solide ressentiment, se contenta d’y apposer sa signature ornée de ces simples mots :
« François, seigneur de Vanves ».
Et d’ajouter en riant :
— À Fontainebleau, vous le verrez, parmi ces artistes qui font ma belle humeur et mon esprit, je suis plus modeste qu’un enfant de Judée.
Charles ne releva pas. À lui aussi Montmorency avait fait miroiter ce qu’il espérait. Que le roi de France renonce à ses prétentions sur l’Italie, et ce définitivement, valait bien quelques humiliations et jalousies.
Le billet du roi arriva à Paris en même temps que celui de Montmorency. Si Marie se rasséréna du premier, elle trembla du second.
À l’instant où le connétable l’invitait à le rejoindre, Charles Quint assistait, ravi, aux spectacles qui précédaient son entrée à Fontainebleau. Nous étions le 24 décembre 1539.
Le lendemain, jour de Noël, Marie offrait au roi et à l’empereur une révérence appliquée. Sur sa gorge où les plus belles soies bouffaient dans leur écrin d’hermine, la rivière de diamants accrochait les lumières alentour, la drapant d’un arc-en-ciel de beauté.
Le roi la releva avec plaisir et la présenta aussitôt à son invité :
— Marie de Chazeron est une de ces artistes dont vous avez eu loisir d’admirer les talents, mon frère.
Charles Quint fronça les sourcils. Il savait le talent propre aux hommes, non aux femmes. Comme pour lui donner raison, Marie s’en défendit avec humour.
— Sire, les Italiens qui ont fait de ce lieu une œuvre d’art seraient bien fâchés de vous entendre, tout comme je le suis de vous moquer.
— Voyez, Charles, répliqua le roi, d’autres qu’elle se seraient rengorgées de ce compliment, mais point notre Marie, et pourtant, pas une des dames de ma cour ne serait aussi belle pour vous accueillir si ces mains de lingère n’avaient eu l’habileté de les faire resplendir.
— Je n’ai fait que servir mon roi, répliqua Marie.
— Je gage que vous le servez bien, affirma Charles Quint comme elle se redressait.
— Accompagnez-nous, Marie. L’empereur souhaitait visiter ma demeure. La cour nous suit.
Marie hocha la tête et s’écarta pour les laisser passer. Montmorency s’approcha d’elle et enroula d’autorité son bras autour du sien.
— Vous êtes plus jolie que jamais, murmura-t-il à son oreille.
— Ce sont ces bijoux, mon ami. Vous m’avez comblée.
Marie glissa une nouvelle fois en révérence devant la reine Éléonore qui l’accueillit d’un sourire, devant Anne de Pisseleu qui en fit autant, mais plus crispée, devant le dauphin qui n’avait d’yeux que pour Diane, laquelle lui lança seulement un signe de tête amical, drapée comme à l’accoutumée dans une hautaine réserve, puis devant son frère.
Lorsque Catherine à son tour passa devant elle, Marie élargit son contentement à la voir blêmir devant sa parure de
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