La vengeance d'isabeau
vers le roi, hallebrenée de danser, un page la bouscula et un pli décacheté tomba à ses pieds. Montmorency fut devant elle mais, vive, elle le devança et le mit dans sa manche en souriant. Le connétable afficha un agacement marqué à l’intention de Catherine qui n’avait rien perdu de la scène et Marie, d’instinct, se dirigea vers le roi qui conversait avec Diane de Poitiers. Elle mêla son rire à celui de Diane et croisa les bras sur sa poitrine, se forçant au calme. Mais tout en elle tremblait.
Lorsqu’elle fut seule dans sa chambre à la nuit tombée, elle ouvrit la lettre qu’à la première occasion elle avait enfouie discrètement dans son décolleté. Le sceau était celui de l’empereur. Il se disait satisfait de ses services, que la mort du dauphin le vengeait des humiliations que lui avait fait subir le roi de France et qu’elle recevrait d’autres ordres contre la même somme d’argent. La missive était datée du 26 août 1536. L’esprit de Marie se mit à bouillonner. Ce message était authentique, elle aurait pu en jurer. Si l’empereur la lui avait écrite, c’est qu’il croyait sûrement qu’elle, ou quelqu’un se faisant passer pour elle, espionnait pour son compte à la cour du roi. Cela suffisait à expliquer sa curieuse familiarité !
Le sang de Marie ne fit qu’un tour. D’un bond, elle barra sa porte et brûla la lettre à la flamme d’une chandelle. Puis elle la jeta dans la cheminée et ne se détendit que lorsqu’elle fut consumée. Les gardes pouvaient forcer la massive, cette fausse preuve était détruite à jamais. Pourtant, lorsque les coups y furent frappés, elle prit quelques secondes pour calmer les battements désordonnés de son cœur, s’assura que tout avait disparu et alla ouvrir.
Montmorency se tenait derrière. Seul. Il entra, la referma et poussa le loquet.
— Venez-vous m’arrêter ou m’expliquer ? demanda Marie crânement.
— Vous demander de me pardonner, simplement.
— Je vous écoute, s’adoucit-elle.
— Où est-elle ?
Marie lui désigna le foyer où crépitait une bûche.
— C’était la seule chose à faire, approuva-t-il.
Il s’assit sur le lit, les traits tirés. C’est alors que Marie comprit qu’il ne se jouait pas d’elle. Son angoisse disparut, faisant place aux questions qui se bousculaient dans sa tête.
— Qui vous l’a fournie ? demanda-t-elle, certaine déjà de sa réponse.
— Catherine de Médicis, répondit le connétable sans hésiter. Il se tourna vers elle et fouilla son regard du sien, navré.
— Il m’a fallu la lire et la relire encore pour accepter l’idée de votre trahison. Je vous croyais au-dessus de cela, Marie.
— Vous vous méprenez, Anne. Je ne suis pas coupable.
— Ce billet est néanmoins authentique. J’ai assez œuvré pour la paix et connais mieux que quiconque l’écriture et le sceau de l’empereur.
— Je le sais. Et c’est bien là tout mon malheur.
Marie se prit la tête entre les mains. Elle était éreintée soudain. La nausée la reprit, qu’elle se força à contrôler. Montmorency l’avait sauvée, et cependant il la croyait coupable. Cela n’avait aucun sens.
— Admettons que j’accepte l’idée de votre innocence. Cela supposerait un complot contre vous, car je vous le certifie, Marie, à l’évocation de votre nom, l’empereur n’a marqué aucun étonnement, votre présence semblait même le ravir.
— J’en fus la première surprise, croyez-moi. Et si cette missive éclaire son comportement, elle apporte plus de questions que de réponses. Essayons de les trouver ensemble, voulez-vous ? Pour ce, j’ai une confession difficile à vous faire, Anne.
Comme à Marguerite d’Angoulême, elle lui conta les liens pervers qui l’unissaient à Catherine, ne gardant en réserve que l’épisode où elle le dénonçait au roi, lui, Montmorency. Le connétable s’était levé et faisait les centpas en se grattant la barbe. Lorsqu’elle se tut, il prit uneprofonde inspiration et lâcha :
— Le Milanais. Voilà la raison.
Marie marqua un temps de silence puis secoua la tête.
— Je ne comprends pas.
— En faisant croire à l’empereur qu’il avait en vous une alliée, une complice, voire une exécutante, Catherine mettait à couvert sa propre trahison. Si le soupçon était venu sur elle, elle pouvait exhiber cette lettre ou d’autres. Car elle en détient forcément d’autres, ajouta-t-il sur un
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