La vengeance d'isabeau
m’a-t-elle dit simplement. J’ai tenté de me justifier, d’expliquer mon innocence. Elle m’a ri au nez. J’ai appris de la bouche même du comte que Catherine lui avait annoncé que j’avais tout découvert et venais chercher raison de me taire. Il avait fait ce qu’elle suggérait et s’étonnait que j’en sois mécontent. J’ai exigé qu’il rectifie son testament, il a refusé. « Ainsi, je suis certain que vous ne parlerez jamais », m’a-t-il affirmé. Il a eu raison. J’ai tu la vérité. Et accepté ce qui était, ce qui me rend coupable de fait.
— Pardonnez-moi, Anne. Je vous savais opportuniste, vous ne l’avez jamais caché. Catherine nous a habilement manœuvrés tout comme Triboulet qu’elle a laissé me visiter avec de faux renseignements.
— C’est vrai. Mais il y a un fossé entre l’opportunisme et la haute trahison. Jamais je ne l’aurais franchi de mon plein gré, croyez-moi.
— Nous sommes victimes l’un et l’autre de sa perfidie. Et si vous n’aviez eu le souci de me sauver malgré tout, à cet instant même, elle aurait gagné. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis, quand tout prouvait ma culpabilité ?
— Ne l’avez-vous pas compris ? demanda-t-il en lui prenant les mains.
Un doute soudain, et elle se mit à trembler. Dans le visage tourmenté du connétable, un faible sourire vint accrocher l’éclat de son regard d’outremer.
— Je vous aime, Marie. Bien sûr, je vous l’ai dit mille fois sur l’oreiller, comme à d’autres. C’est à l’idée de vous perdre vraiment que j’en ai pris conscience. J’ignore pourquoi cela a été aussi violent. Comme si mon être tout entier ne pouvait vous trahir sans se déposséder.
— Anne, je…
— Chut, ne dites plus rien, mon amour. Le pire a été évité, c’est tout ce qui importe. L’empereur poursuivra sa route et dans quelques jours je rendrai compte au roi de mes erreurs. Je ne suis pas un lâche, Marie. Notre souverain est juste. Je ne crains pas sa sanction mais je ne vous entraînerai pas avec moi. Acceptez ce qui est et laissez-vous aimer. Votre peau m’est si douce, et ces diamants que vous portez me ravissent le cœur. Comme les nuits précédentes, gardez-les. Ils me renvoient de mille éclats celui de votre beauté.
Marie se laissa coucher sur la courtepointe et déshabiller. Le connétable ne l’écœurait plus soudain.
Comme pour la conforter dans ses caresses, sa nausée récurrente l’abandonna.
Montmorency la combla d’une passion que leur complicité avait ravivée et l’aube les cueillit toujours enlacés.
Marie s’éveilla seule. Sa chambrière s’annonça et elle se laissa parer, l’humeur songeuse. Elle ne pouvait pas autoriser la Médicis à s’en tirer aussi facilement. De plus, elle n’était pas à l’abri de sa haine, malgré ses démarches et l’appui de Montmorency. Elle devait avouer la vérité au roi, quoi qu’il lui en coûte. De même, il lui semblait urgent de sauver le connétable d’une disgrâce. Car, elle en était certaine, à la première occasion, Catherine donnerait au roi les arguments de leur perte.
Lorsqu’elle descendit l’escalier qui menait à la vaste salle de réception où un somptueux buffet était dressé, Marie avait retrouvé toute sa combativité et sa vivacité d’esprit. En chemin, elle s’attarda à parler de la clémence du temps avec M me de la Richelière, s’extasia sur la coiffe enchâssée de rubis et de diamants de la comtesse du Plessis, et s’avança avec légèreté au milieu de la centaine de convives qui devisaient gaiement. Elle se laissa complimenter pour sa façon et celle de ses ouvrières en boutique, repartit avec humour à quelques bons mots, sans perdre un instant de vue le roi dont chaque pas la rapprochait. Comme elle portait un verre à ses lèvres, son regard accrocha celui de Montmorency. Il lui adressa un signe de tête complice et Marie lui renvoya son salut avec entrain. À l’inverse de la veille, où l’étalage de nourriture l’avait précipitée aux latrines, elle se sentait ce matin affamée et vindicative. Elle chercha des yeux la Médicis et fut presque déçue de ne pas l’apercevoir. Elle aurait aimé en cet instant l’humilier de sa simple assurance. « Cela viendra ! » se dit-elle en poursuivant avec grâce son approche royale. Elle savait qu’elle n’aurait pas de meilleur moment pour entretenir François I er en aparté. Il devisait
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