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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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malgré ses fards et ses dentelles.
    —  Hélas, ma bourse est vide et je serais de fort triste compagnie.
    —  Je vois, grogna-t-elle en refoulant dans son corsage sa poitrine pigeonnante d’une poigne énergique, messire est un avare ! Tu ne sais pas ce que tu perds ! lui lança-t-elle avant de s’éloigner d’une démarche porcine.
    Philippus réprima un rictus de dégoût puis jeta quelques pièces dans son assiette et se leva. Il lui restait à peine de quoi payer sa nuit. Il se maudit de son âme dépensière et gagna l’écurie, non sans s’offrir le luxe au passage de claquer les fesses de la voluptueuse qui aguichait un autre client.
    Elle lui décocha un regard noir tandis qu’il songeait que la croupe de son baudet était plus ferme que celle-là.
    Seul dans son coin, il s’écroula sur la paille fraîche. Demain, il serait à jeun mais cela n’avait plus d’importance. Il se souvenait du jouvenceau alerte qu’il était quinze ans auparavant. Ce jourd’hui, il était bouffi par la mauvaise chère et la vinasse. Valait-il mieux au fond que cette ribaude misérable qu’il avait repoussée ? Quel père serait-il pour cette enfant ? N’aurait-elle point honte de ce qu’il était devenu ?
    Il tenta de s’endormir, mais cette fois encore le sommeil tarda à venir :
    —  La louve, la louve, s’était écrié Michel de Nostre-Dame, les yeux dilatés par sa mystérieuse connaissance, elle porte la chaîne. La chaîne et la croix. Elle est la femme, l’épouse, la mère, elle est celle par laquelle le pardon viendra !
    La chaîne et la croix. « D’or ciselé », avait précisé Michel. Philippus l’avait passée lui-même au cou de Loraline. Il entendait encore les paroles de Michel se mêler à celles de Huc : Marie jouant avec la louve, la louve au collier d’or, Cythar à ses côtés. Il ignorait par quelle magie la mutation s’était opérée, mais une évidence lui était apparue. À lui aussi, Albérie avait menti. Elle avait éloigné Loraline de lui et conduit Marie là où elle pensait qu’il ne la trouverait jamais plus.
    « Trois femmes, avait prédit Michel, deux louves unies par la mort, le sang, la haine et l’amour. Et cependant leur prison est la clé. La clé de la croix. »
    Philippus avait consciencieusement noté les paroles énigmatiques de son ami. Sa transe achevée, Michel avait été incapable de leur donner un sens. Comme à l’accoutumée, il ne se souvenait de rien hormis de ce regard métallique qui lui avait pénétré l’âme avant de se transformer en un autre regard pathétique et languissant, dans lequel, étrangement mêlés, il avait deviné le visage d’une femme et celui de Philippus.
    « Elles sont à Paris, avait conclu Michel. Cherche l’homme en noir et tu les trouveras. Cherche la tour du roi. »
    Quels pouvaient être cette tour et cet homme en noir ? Rien n’était plus obscur que les prédictions de Michel. Rien n’était plus grisant pourtant que de découvrir grâce à elles une raison de vivre.
    Philippus finit par s’endormir dans un tourbillon de pensées et de visages. Hallebrené, hallebrené et heureux de savoir qu’il avait encore un rôle à jouer dans la vie de Loraline.
    Certain cependant que sa propre vie en dépendrait.
    La porte Saint-Antoine était passablement encombrée et Philippus dut patienter un long moment au sein d’une foule bigarrée, remuante et aboyante, avant de franchir le guet. Comme il se glissait sur le pont-levis, il avisa un mouvement d’armes derrière lui. Machinalement, il tourna la tête pour voir deux soldats s’emparer d’une fillette juchée au côté d’un homme sur une charrette couverte de tonneaux. La mignonne vociférait, jetait quelques coups de pied à la volée, tandis que son père s’égosillait en expliquant qu’il venait de Lyon, s’affirmait simple marchand et qu’il n’avait jamais vu en aucun endroit manières plus cavalières. Rien n’y fit, la jouvencelle fut traînée vers la bastille, à gauche, imposante et altière, tandis que plaignant et charrette rejoignaient sous bonne escorte un emplacement de stationnement.
    Philippus ne s’attarda pas sur la place. Autour de lui, des gens grimaçaient, se chamaillaient ou commentaient le zèle des soldats. La plupart semblaient de méchante humeur :
    —  C’est ainsi depuis trois jours ! Vivement qu’ils y mettent la main dessus à cette parjure ! Ces luthériens du diable gâtent le commerce !

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