La vengeance d'isabeau
côtés, et Isabeau aux miens. Je ne regrette rien, Marie, mais tu mérites bien mieux que…
Elle le coupa d’un ton sec en se redressant :
— Ne te fatigue pas, Jean. J’ai compris. J’avais peur, tu m’as réconfortée à ta manière. J’avais besoin de cette tendresse et je ne t’en veux pas. Nous sommes quittes. Nul ne saura.
Il ne répondit pas. Il la regarda se rhabiller fébrilement. Elle était en colère, mais il avait le sentiment que c’était contre elle davantage que contre lui. Tristement, il songea qu’il était encore plus vil et guavashé qu’il ne l’avait pensé. À son tour, il rattacha ses lacets.
Sans un mot de plus, le corps apaisé malgré leur peine, ils rejoignirent Bénédicte qui n’osa aucun commentaire, mais souligna seulement qu’on aurait dû l’avertir de la longueur de l’entretien.
Ce à quoi Marie répondit, par un sourire, que le lendemain verrait cinq convives de plus à Vollore.
La jouvencelle passa la paume de sa main sur son ventre et ses seins, tout en grimaçant dans le miroir.
Non, décidément, il n’y avait rien de changé. Elle s’était toujours demandé si cela se voyait, la première fois. Non. Rien. Elle était devenue une femme, et son corps en taisait le secret. Elle en avait voulu à Jean de la rejeter ainsi, si vite, mais cela n’avait pas duré. Il était un ami sûr. En fouillant dans ses souvenirs, elle s’était aperçu qu’il l’avait toujours attirée, sans pour autant qu’elle pût se convaincre de l’avoir aimé. C’était donc mieux ainsi. Elle allait retrouver Constant. Rencontrer enfin ce père qu’elle avait entrevu et cesser d’avoir peur. Elle se sentait chez elle à Vollore, davantage qu’à Paris malgré son agitation. Elle avait sa place ici. Une place à part. Une raison d’être. Tout était simple en fait. Constant l’épouserait. Elle lui donnerait des enfants et cette terre serait leur berceau. Oui, tout était simple.
Lorsqu’elle retrouva Jean, attablé devant un matinel, elle souriait d’aise et il s’en félicita. Il n’avait pu dormir, tenaillé par ses sentiments contradictoires. Le visage serein et reposé de Marie le lava de ses doutes une fois pour toutes. Et c’est de bonne humeur qu’il lui raconta les anecdotes de leur voyage.
La voiture s’annonça dans l’après-midi, alors que le jour déclinait à peine. Marie n’eut pas le temps de leur souhaiter la bienvenue que Ma se dressait devant elle en jappant.
— Seigneur Jésus ! Mais c’est un loup ! S’effraya Bénédicte qui s’était avancée pour accueillir l’équipage.
— Un loup dressé et inoffensif, rectifia Jean en posant une main rassurante sur son épaule.
Bénédicte en rougit jusqu’aux oreilles, mais ne songea pas à s’en défaire. Le sire était fort séduisant et cette protection, ma foi, ne lui déplaisait aucunement. Marie s’accroupit et frotta affectueusement son nez dans la fourrure grise.
— Ma ! S’exclama-t-elle. Comme tu m’as manqué !
— Et moi ? Est-ce que je t’ai manqué ?
Marie releva son visage et trouva celui de Constant, mûri et brûlant de tendresse. Elle se redressa et sourit à l’assemblée des siens qu’un même regard d’amour posé sur elle unissait.
— Vous m’avez tous manqué, affirma-t-elle avant de refermer ses bras sur la nuque de Constant, Constant l’étreignit avec force, heureux autant que mal à l’aise et gourd soudain de la retrouver aussi belle malgré sa petite figure.
— Entrons, dit-elle simplement. Nous avons beaucoup à nous raconter.
Bénédicte se retira sitôt le succulent repas achevé. Elle n’avait retenu que ce qu’ils avaient laissé paraître. Huc de la Faye revenait au pays avec une épousée et cette Isabeau était à la fois sa sœur et de la parentèle de François de Chazeron. De fait, il n’y avait plus au château quiconque en mesure de reconnaître Albérie. Si son visage avait un air familier à certains trop jeunes pour se souvenir de son rôle, il était facile de l’expliquer par cette parenté qui eût pu l’amener à visiter autrefois sa famille. Et Bénédicte se moquait bien de ces histoires. Elle n’en demanda pas davantage que lors du retour de Marie. François de Chazeron avait été clair : il ramenait sa fille, élevée dans un couvent puisque la folie de sa mère l’avait obligé à se séparer de l’une comme de l’autre, dans l’intérêt de l’enfant. Ces têtes
Weitere Kostenlose Bücher