La vengeance d'isabeau
supplia-t-elle les yeux rougis encore de son altercation avec Constant, certain qu’il était à l’origine de ce fait.
— Il est trop tard, Marie. Je dois sévir. Je suis le roi.
Il sortit, la laissant désemparée. Par son intermédiaire, Jean exposa aux artisans de l’ombre la décision du roi. Constant ne sut qu’en rire et cela l’affecta. Pour l’amour de Marie, il le protégerait contre lui-même, puisqu’elle ne le pouvait pas.
Quelques jours plus tard, une prime de deux cents écus fut offerte à quiconque dénoncerait le ou les provocateurs. Le bûcher attendait les coupables ainsi que leurs complices.
Constant connaissait bien les souterrains du Temple. Avec ses amis, il s’y cacha tandis que les condamnations se multipliaient sous la colère de l’Église. On brûla une maîtresse d’école qui n’avait pas fait réciter un Ave Maria, un paralytique qui prêchait l’Évangile de curieuse façon. Puis ces gens que Marie avait croisés tant de fois dans son enfance auprès d’Isabeau : le cordonnier Milon, le maçon Poille, Antoine Augereau, l’imprimeur.
Marie priait de toute son âme pour que cela cesse. Mais en dépit de ses prières de nouveaux libelles surgirent en janvier 1535, intitulés Parantiphresis . Le roi signa un décret interdisant aux éditeurs d’imprimer tout texte douteux sous peine de pendaison.
Puis il organisa une grande procession à travers Paris, promenant derrière lui les reliquaires et les châsses qui contenaient des fragments de la couronne d’épines, invitant la foule à psalmodier une prière à la Vierge. Son discours prononcé le soir même démontra avec force sa détermination : « Si mon bras était infecté de cette pourriture, je le voudrais séparé de mon corps ! »
Une semaine plus tard, un tribunal d’exception fut créé qui élargit le champ des coupables à tous ceux qui auraient hébergé des luthériens. Marie trembla mais, fidèle à son serment, le roi ne la désavoua pas.
Par crainte pourtant qu’on ne la fît suivre, elle se laissa oublier dans le sillage de Catherine de Médicis qui s’inquiétait de sa triste mine et de son peu d’allant. Elle répondit que ses enfants lui manquaient. Bien sûr, elle recevait fréquemment de leurs nouvelles, mais elle ne les avait pas vus depuis dix-huit mois. C’était vrai. Mais en partie seulement. Ce ventre-là lui rappelait qu’elle avait condamné Constant à se perdre dans sa foi. Elle ne parvenait pas à lui en vouloir de ne pas lui pardonner. Elle-même ne se le pardonnait pas. Elle aurait pu l’oublier, épouser Jean, mais elle ne pouvait s’y résoudre. Comme si quelque chose de plus fort que la raison guidait ses pas. Cet instinct sauvage qui était le sien. Cet instinct des louves que son cœur ne bridait pas.
Malgré les fumées pestilentielles qui viciaient les vents de France, la vie de cour n’était que rire, badinage et légèreté. Comme s’il avait existé deux mondes dont la frontière se trouvait dans les somptueux jardins des châteaux d’Amboise, de Saint-Germain, de Fontainebleau ou du petit Madrid que le roi avait fait bâtir. Les artistes les plus renommés laissaient libre cours à leur créativité et étaient protégés autant par le roi que par sa maîtresse, Anne de Pisseleu, promue dame d’honneur de Catherine.
Marie la côtoyait donc chaque jour. Elles avaient fini par s’entendre. Anne était fort jalouse et intrigante, avait méchamment œuvré à l’oubli de la précédente maîtresse du roi, Françoise de Châteaubriant, et détestait Diane de Poitiers dont le roi appréciait la compagnie et les conseils. Mais elle s’était rendue au fait que Marie ne constituait pas pour elle une menace et appréciait son dévouement dans l’ombre.
Pourtant, Marie était plus proche de Catherine que d’Anne de Pisseleu. À la mort du pape Clément VII, moins d’une année après son mariage, Catherine avait eu peur d’être répudiée, mais François n’en avait manifesté aucune intention. S’il se plaisait à dire qu’il avait eu cette fille comme toute nue puisque la promesse de récupérer le Milanais avait été perdue dans le dernier souffle du pontife, il se rengorgeait de l’accent chantant de la jouvencelle. Il venait souvent la visiter, posant une main sur son ventre ou son oreille parfois. Il se désolait qu’elle ne fût toujours pas grosse et finissait par lui claquer une main familière sur la croupe en disant que beau cul
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