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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: JACQUES GERNET
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rêves prémonitoires ;
les juges s’y rendent parfois eux aussi lorsqu’ils
comptent sur l’inspiration des dieux pour découvrir les coupables.
    Mais c’est toujours à des puissances ou à des
divinités locales que l’on a affaire, et le problème le plus délicat est de trouver les emplacements propices pour l’érection des sanctuaires.
En effet, toute modification de l’état de choses
que présente la nature peut avoir de graves
conséquences et elle exige maintes précautions.On ne construit pas une maison, la muraille
d’une ville ou un temple, on ne creuse pas une
tombe sans s’être assuré que cet acte n’aura que
d’heureux effets. On consulte, pour le choix de
ces emplacements, des spécialistes, des devins
« géomanciens », qui se servent de boussoles, de
tables de correspondances compliquées et qui
s’en remettent également à leur flair. Cependant,
même lorsque toutes les précautions ont été
prises, il se peut que le résultat ne soit pas parfait. Ainsi, à Chengdu, où le tracé des murailles
avait été défini grâce aux indications de la divination antique par l’écaille de tortue, il avait
fallu tenir compte aussi de la topographie. Or,
comme les remparts avaient été bâtis sur une
forte déclivité, on jugea bon d’ériger un pavillon
haut de trente mètres « afin de fixer le nord et le
sud 38  ». La fouille des tombes, parce qu’elle
dérange la nature et le mort, est un acte particulièrement sacrilège. Un homme qui avait coutume de fouiller les tombes anciennes pour y
découvrir des objets antiques (rappelons que la
mode des antiquités fait fureur à l’époque des
Song) devint amnésique sur ses vieux jours. Il
ne savait même plus reconnaître les caractères
d’écriture les plus simples 39 .
    Le divin est si faiblement personnalisé, si naturel en fait que les croyances et les pratiques
religieuses semblent exprimer une conception
laïque du monde plutôt que cette dualité entre lesacré et le profane qui nous est si familière et
qui nous semble constitutive de toute religion.
Connaître les saisons, les dates, les orients, les
lieux, les couleurs, les nombres et les noms propices, voilà le secret de toute action sur la nature
et sur l’au-delà, car toutes choses, dans le monde,
sont en correspondance. Les présages réalisent
déjà l’avenir, les noms appellent les réalités
qu’ils évoquent. On s’ingénie à choisir des noms
propices et l’on se garde des noms néfastes. Au
sud de Jiujiang, sur les bords du lac Poyang, se
trouve une montagne dénommée le « pic des
Epées jumelles ». Les gens du pays prétendent
que ce nom leur est funeste et qu’il est cause de
ce que, tous les deux cents ans, la région est
ravagée par les guerres. Depuis longtemps, dit
un auteur en 1177, le conseil des vieillards de la
ville souhaite que ce nom soit changé, mais ils
n’ont pu encore fixer leur choix 40 . Les puissances naturelles ou surnaturelles qui résident
dans les choses et dans les êtres ne se distinguent pas de ces êtres et de ces choses. Rien
ne serait plus absurde pour qualifier la pensée
religieuse des Chinois que le terme d’animisme.
    Voilà des données d’ensemble. Mais elles sont
incomplètes. En effet, depuis les débuts de l’ère
chrétienne, la Chine s’est laissée lentement
imprégner par les notions de responsabilité
morale, de compassion et de dieu sauveur. C’est
aux influences venues de l’ouest, par mer ouvéhiculées par les caravanes d’Asie centrale,
qu’elle le doit. Cependant, cet apport original
n’a pas modifié dans son essence le génie chinois. Il s’est amalgamé sans difficulté aux pratiques et aux croyances autochtones : la grande
religion qui fut à l’origine de cet enrichissement,
le bouddhisme, s’est adaptée aux exigences de
la pensée chinoise.
    Une autre correction doit être apportée aux
indications générales qui viennent d’être données. Si, dans ses formes les mieux connues, la
religion se limite au culte de divinités locales
qui assurent la prospérité de régions définies, il
existe aussi, dans les milieux populaires, des
sectes et des sociétés secrètes animées par des
espoirs messianiques et révolutionnaires. C’est
là tout un aspect désordonné, « dionysiaque » et
prophétique de la religion en Chine. Les macérations, la transe, l’extase y sont des moyens de
communication directe avec le divin. Il serait
faux de croire que les formes les plus

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