La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
tambour,
avant l’aube, il se coiffe et va sacrifier à ses
ancêtres. Dans la nuit, des soldats munis de
torches et portant les insignes impériaux se
postent des deux côtés de la grande avenue, sur
tout le parcours que va suivre l’empereur depuisle Temple suprême jusqu’à l’autel des sacrifices
au Ciel. Les flambeaux sont si nombreux qu’on
y voit comme en plein jour. Hauts fonctionnaires, membres de la famille impériale, familles
riches et nobles se pressent en rangs serrés.
Quand l’empereur monte sur son char, toutes
les lumières en dehors du parcours sont éteintes.
Le cortège impérial, précédé par des éléphants
dressés, sort par la porte des Merveilles réunies
et s’avance vers l’autel près duquel se dresse une
foule d’étendards et de drapeaux. On entend les
cris des gardes impériaux qui se transmettent des
ordres et l’on voit, dans le jour naissant, un va-et-vient de torches. Le son des tambours et des
trompes au son grave ébranle la terre pendant
qu’une foule immense et silencieuse couvre la
plaine qui s’étend au pied de l’autel. Les musiciens de la cour exécutent des airs rituels.
L’empereur gravit les degrés de l’autel recouverts de gaze jaune (couleur du centre et couleur de la souveraineté) et parsemés de morceaux
de camphre. Une victime est sacrifiée sur le
petit autel, tout proche, du dieu du sol, puis
l’empereur, parvenu sur la plate-forme supérieure de l’autel des sacrifices au Ciel, offre des
libations au Ciel, à l’Auguste Terre et, pour
finir, à ses ancêtres. A ces derniers, il présente,
avec l’alcool rituel, des plaquettes de jade. Il lit
à voix haute le texte de ces tablettes sacrées qui
doivent être ensuite déposées à l’intérieur del’autel. Puis il boit « l’alcool de la félicité » et,
quand tout est fini, il se rend dans les bâtiments
qui ont été dressés près de l’autel afin d’y
changer de vêtements. Les fonctionnaires lui
adressent leurs félicitations. Enfin, il monte sur
un char de cérémonie différent de celui qui
l’avait amené au lieu des sacrifices. Une foule
de cavaliers et de piétons, formée de gens de
toutes conditions, suit son cortège jusqu’au
palais impérial 42 .
Cet exemple montre combien le culte officiel
est tout à la fois formaliste dans le détail et spectaculaire dans son expression générale. Ce culte
répond parfaitement aux aspirations du milieu
des lettrés-fonctionnaires qui, par tradition, ont
toujours attaché une grande importance aux
rites, à leurs significations symboliques, à leurs
effets religieux et à leurs répercussions psychologiques. Dans ce milieu particulier, on est,
selon l’expression de Montaigne, « plus cérémonieux que dévotieux ». En effet, la religion, aux
yeux des lettrés, n’a point pour objet de satisfaire des besoins de mysticisme individuels,
mais d’assurer un ordre général qui n’est, sur le
plan des choses divines, que le double de l’ordre
politique que font régner dans le monde l’empereur et ses fonctionnaires. De là, chez les lettrés,
une hostilité très fréquente contre les formes du
sentiment religieux qui s’écartent de ce qui, de
leur point de vue, est la norme. De là, un besoinpermanent, chez les dirigeants, de réglementer
tous les aspects de la vie religieuse de l’empire
et de les intégrer dans le cadre de la religion
officielle. Les grands lieux saints de toutes les
provinces sont inscrits sur le registre des sacrifices officiels et classés hiérarchiquement, à la
suite des autels et des temples de la capitale où
sont célébrées les plus importantes cérémonies
du culte impérial. C’est là, pour le pouvoir central, une façon de s’annexer les puissances religieuses locales et de contrôler en même temps
les cultes les plus populaires.
Le classement général est le suivant : autel des
sacrifices au Ciel dans la banlieue sud de la
capitale, temple des ancêtres impériaux, autels
du dieu du sol impérial et du prince Millet, divinités des régions (montagnes, mers, lacs sacrés),
anciens sages et héros divinisés. Toutes ces divinités reçoivent de l’empereur des titres officiels,
et c’est une des tâches importantes du souverain
que de fixer ces noms qui diffèrent non seulement par les termes employés, mais encore par
le nombre de leurs caractères d’écriture. Ainsi,
le dieu des remparts, divinité populaire, reçoit
des offrandes officielles en cas de
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