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La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)

Titel: La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: JACQUES GERNET
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pouvoirs se confondent avec les émanations du sol
et des eaux. Certains arbres, certains rochers, desfleuves et des montagnes passent pour avoir une
influence sur le déroulement des saisons, et les
gens du peuple édifient également des sanctuaires en l’honneur de ces divinités naturelles.
    L’action des communautés locales n’a pas
nécessairement la forme d’un culte organisé : ici,
telle roche d’aspect étrange est fouettée cérémonieusement lorsque les pluies ou la sécheresse se
prolongent ; ailleurs, les habitants jettent dans un
gouffre des chaussures de femme usagées et des
cochons morts quand le génie du lieu, un dragon
divin, refuse de mettre un terme à la sécheresse 47 . Au contraire, les divinités les plus
importantes ont leur jour de fête qui est en
même temps, dans les campagnes, jour de foire.
Des représentations théâtrales avec clowns, jongleurs et musiciens sont organisées en leur honneur. On leur demande de bonnes récoltes et l’on
fait appel à elles, en dehors des fêtes, quand une
calamité menace le village ou la région : pluies
et temps sec qui compromettent les cultures,
inondations, épidémies, etc. Ainsi se présente
d’abord, dans son foisonnement extraordinaire
de divinités, la religion des gens du peuple.
    D’autres aspects moins connus méritent l’attention. Les dieux locaux sont parfois associés à
des pratiques de spiritisme. Médiums, illuminés
et prophètes abondent en effet dans les milieux
populaires. La sainteté et le don de prophétie
s’incarnent d’ordinaire dans les êtres les plusméprisables. Des fous, des crétins, des mendiants en guenilles ou de pauvres marchands
ambulants peuvent être des incarnations de divinités chinoises ou bouddhiques. Certains, tout au
moins, peuvent être inspirés par les dieux,
savent évoquer les âmes des morts illustres et
prédire l’avenir au moyen d’énigmes. Non seulement les gens du peuple, mais parfois ceux des
hautes classes et certains empereurs – car le pouvoir politique s’entoure volontiers de mystère et
ne néglige pas l’aide de la magie – ont foi dans
les divagations de ces illuminés. L’un d’eux, un
nommé Sun le Marchand de poissons, fut appelé
à la cour en 1125, peu de temps avant l’invasion
barbare, et logé dans un des appartements impériaux. Un jour, l’empereur, fatigué et tiraillé par
la faim au sortir d’une longue cérémonie, aperçut Sun le Marchand de poissons assis devant
une petite salle et tenant à la main une galette
cuite à la vapeur. « Restaurez-vous un petit
peu », lui dit le prophète en lui mettant sa galette
sous le nez. Puis, voyant que son illustre interlocuteur n’avait pas l’air de comprendre : « Un
jour viendra où vous serez bien content d’avoir
seulement une galette comme celle-ci. » L’année
suivante, les Barbares prenaient d’assaut la capitale et emmenaient en captivité l’empereur et sa
suite dans le désert de Mandchourie 48 .
    Cependant, médiums et prophètes ont l’occasion de s’employer plus efficacement dans lecadre des sociétés secrètes. La transe alors peut
devenir collective et trouve des adjuvants dans
la sous-alimentation, l’alcool, les danses extatiques, les pratiques sexuelles de caractère
magique, ou encore dans des macérations qui
peuvent aller jusqu’à l’automutilation.
    Comme on peut s’y attendre, les sociétés
secrètes nous sont mal connues. Les adeptes ne
révèlent pas facilement les mystères de leur
secte. Mais, lorsque l’administration est parvenue à exterminer l’un de ces groupements, il
arrive que les contemporains nous aient laissé
quelques indications sur son organisation et ses
pratiques. Ainsi, un auteur de la première moitié
du XII e siècle nous renseigne-t-il assez précisément sur une société secrète d’inspiration manichéenne très populaire à cette époque 49 , celle des
Adorateurs des Démons. Née au Fujian, la nouvelle religion s’était répandue très rapidement à
la préfecture de Wenzhou, sur les côtes sud du
Zhejiang puis à toute l’étendue de cette province
et jusqu’au Yangzi. La secte, que dirigeait un
personnage dénommé le Roi Démon avec l’aide
de deux assesseurs, le Père Démon et la Mère
Démon, pratiquait une sorte de communisme des
biens. Les nouveaux adeptes étaient logés et
nourris gratuitement, mais ils devaient s’engager, par de terribles serments, à ne pas révéler le
nom de leurs associés et à

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