La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
importants où le riz acheté, réquisitionné ou produit par les impôts est emmagasiné.
L’un de ces greniers est alimenté par les récoltes
de domaines publics qui ont été institués à la fin
de la dynastie pour accroître le volume des
approvisionnements de l’armée et il reçoit plus
de six millions de quintaux de riz par an 21 . Enfin
de nombreuses maisons d’habitation de Hangzhou
sont louées, on l’a vu, par les administrations
publiques.
Ces quelques faits suffisent à montrer la
concurrence qui était faite par l’Etat, dans tousles domaines, aux marchands privés. Une large
part de l’activité commerciale leur échappe, et
les bénéfices les plus importants vont aux administrations publiques sous la forme d’impôts et
de taxes sur les produits, sur leur vente et sur leur
transport. Mais cette emprise des pouvoirs
publics sur le commerce n’a pas seulement des
aspects négatifs : les négociants qui s’occupent,
pour le compte de l’Etat, du transport et de la
vente des produits sous régie, les marchands qui
livrent aux armées, dans les régions frontalières,
des céréales, du fourrage ou des matériaux de
construction passent pour avoir accumulé des
fortunes. Ce sont des sortes de potentats. Ils
placent leurs biens à intérêt chez les ouvriers des
chantiers publics ou dans la paysannerie et ils ont
bien souvent à leur solde l’administration locale.
Sans doute certains de ces parvenus sont-ils
au nombre de ceux qu’un habitant de Hangzhou
signale comme des commerçants enrichis dans
le grand commerce fluvial. A l’en croire, les
plus grosses fortunes de la ville ont pour origine
les trafics sur le Yangzi et ses affluents, et le
commerce avec les pays d’outre-mer. Ces propriétaires de barques et de jonques ne sont pas
pour la plupart originaires de Hangzhou, mais
ils sont venus s’y établir, attirés sans doute par
la vie luxueuse qu’on y menait, par la situation
de la ville à mi-chemin entre le Yangzi et les
ports du Fujian, et par la présence des grandesadministrations. Presque tous habitent la colline
des Phénix, à l’ouest du palais impérial, et c’est
pourquoi les habitants ont pris l’habitude d’appeler ce lieu « le mont des étrangers 22 ». Le
Yangzi, que l’on atteint aisément à partir de
Hangzhou, grâce au grand canal qui aboutit à
Zhenjiang, en aval de Nankin, est navigable sur
plus de trois mille kilomètres, jusque dans le sud
de la province du Sichuan. Au croisement des
routes nord-sud et de ce grand fleuve se sont
développés d’importants marchés, le long des
berges. L’un d’eux se trouve au nord du lac
Dongting, un autre près de l’actuel Wuhan, un
autre encore au sud de Nankin. On trouve là tous
les produits de l’empire depuis Canton jusqu’à
la vallée de la Han, depuis le Sichuan jusqu’à la
région du bas Yangzi 23 .
Il existe donc, à cette époque, en Chine, une
sorte de « marché national » et, grâce à la commodité des transports par voie d’eau, une certaine spécialisation régionale des produits s’est
instituée.
En même temps, les trafics avec les pays
d’outre-mer ont pris une importance qu’ils
n’avaient jamais connue du temps où les navires
arabes ou perses faisaient la navette entre le
golfe Persique et Canton. Ce grand port, dont la
population au début du IX e siècle était à moitié
musulmane, n’est plus au premier rang pour les
échanges avec les pays étrangers : Quanzhou etFuzhou, sur la côte du Fujian, ont pris sa place.
En même temps, des armateurs chinois se sont
substitués aux commerçants venus du Moyen-Orient, bien qu’il faille compter encore à
Hangzhou un petit nombre de marchands étrangers qui se livrent au commerce maritime ou trafiquent dans l’intérieur de la Chine : juifs de
Kaifeng qui suivirent la cour lors de son exode
vers le sud en 1126 24 , musulmans d’Asie centrale ou de l’Inde, Syriens, Perses, Arabes, etc.
Ils sont moins nombreux qu’ils ne seront,
quelques dizaines d’années plus tard, sous les
Mongols. En effet, ces Barbares, pleins de
méfiance à l’égard des Chinois, mais incapables
de gouverner eux-mêmes un pays aussi peuplé
et civilisé que la Chine, feront appel comme
administrateurs aux étrangers de tous les pays
d’Occident 25 – Marco Polo est un exemple de
ces marchands occidentaux auxquels les
Mongols confièrent de hauts postes administratifs – et, du même coup, une grande partie du
commerce échappera aux
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