La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
décrit
les riches marchands de Hangzhou sont, à ce
propos, significatives :
« Les premiers et riches patrons de ces boutiques ne font aucun travail de leurs mains et
affectent au contraire un maintien solennel et un
grand décorum. Ainsi font leurs dames et
épouses qui sont très belles, comme nous venons
de dire ; elles sont élevées dans des habitudes de
grande timidité et délicatesse, et parent leur costume de tant de soieries et bijoux que l’on ne
pourrait en estimer le prix. Et, bien qu’il soit
prescrit par les lois de leurs anciens rois que
chaque habitant ait à exercer la profession de
son père, il leur est cependant permis, après fortune faite, de ne pas être astreints au travail
manuel, sous l’obligation de maintenir l’établissement ancestral et d’employer des ouvriers
pour l’exercice du métier héréditaire 41 . »
Les riches marchands se piquent d’engouement pour les arts nobles du lettré. Dans les
grands cabarets et maisons de thé de la Voie
impériale sont suspendus, à l’entrée et à l’intérieur des salles, de larges rouleaux de peintures
et de calligraphies commandées à des peintres
en renom. De même, pour le mariage d’un fils
ou d’une fille, on ne lésine point sur l’ornementation de la salle du banquet. Selon Marco Polo,
les marchands consacrent des sommes fabuleuses à ces signes extérieurs de la culture.« Leurs maisons, dit-il, sont très bien comprises et
richement décorées, et le grand plaisir qu’ils
éprouvent dans les ornements, peintures et œuvres
d’art, les conduit à y consacrer des sommes surprenantes 42 . » Mais c’est là un art frelaté, vicié
dans son principe même par son caractère vénal,
et sans réelle valeur esthétique lorsqu’il ne vise
qu’à flatter un mauvais goût de parvenus.
Un autre trait psychologique mérite une mention particulière : ceux qui, à Hangzhou, possèdent les plus grosses fortunes commerciales,
les marchands enrichis dans les trafics maritimes
et fluviaux, manifestent un penchant très accusé
pour les œuvres de bienfaisance. La charité est
pour eux une façon de racheter leur excès de
richesse, c’est une sorte d’impôt versé aux dieux.
Ce qu’un contemporain nous révèle à ce sujet
mérite d’autant plus d’être cité que ses propos
nous font entrevoir en même temps la misère
extrême de toute une partie de la population.
« Parmi ces gens, dit-il, il en est qui aiment
s’acquérir des mérites et se montrent très charitables envers les pauvres, les déshérités et les
vieillards. Chaque fois qu’ils aperçoivent des
malheureux tristement assis devant leurs marchandises invendues, ils les observent et leur
donnent quelques pièces de monnaie. Quand
meurent des pauvres et que leurs proches n’ont
pas de quoi subvenir aux funérailles, ils fournissent les cercueils ou bien ils contribuent auxfrais d’incinération. Quand, à la suite de grosses
chutes de neige qui bloquent les chemins,
adultes et enfants s’en vont à demi nus en
gémissant, transis et mourant de faim, ces
richards font, de porte en porte, la tournée des
familles les plus misérables, ils prennent note de
leur détresse et, quand vient la nuit, ils glissent
dans la fente des portes des débris d’or ou d’argent ou encore des sapèques et des billets de
banque. Si bien que, lorsque au matin les gens
ouvrent leur porte, ils découvrent ces présents
qui leur semblent tombés du ciel. Ou bien
encore, nos richards distribuent des couvertures
et des vêtements doublés de bourre de soie. Par
tous ces actes charitables, ils gagnent la reconnaissance éternelle des familles pauvres. “Ceux
qui font le bien, dit un dicton populaire, s’attirent cent bonheurs et le secours des génies
célestes. Ceux qui font le mal reçoivent mille
fléaux et les diables s’acharnent à leur perte.
Rapides comme l’ombre et l’écho sont les
récompenses et les châtiments du Ciel 43 .” »
LES GENS DU PEUPLE EN MILIEU URBAIN
La concentration des richesses dans la ville et
la misère des campagnes ont agi concurremment
et provoqué un afflux continuel de paysans vers
les grands centres urbains. Ces nouveaux venus,assez vite adaptés à la vie urbaine, forment à
Hangzhou la grande masse de la population.
Leur nombre ne cesse de croître d’année en
année et ce phénomène prend les allures d’une
catastrophe. La grande ville chinoise du XIII e siècle est en elle-même la preuve concrète
de la
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