La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
de canne, d’orge ou de sésame 48 .
Chacun a son cri particulier, à moins qu’il n’attire les clients en frappant sur une plaquette de
bois ou de métal.
Certains travaillent pour le compte de boutiquiers, et il existe même des entreprises qui
n’emploient que des vendeurs ambulants : de
petits revendeurs, « pauvres et honnêtes », dit un
habitant, vont dès l’aube prendre en charge leur
marchandise dans des boutiques dénommées
« ateliers de fabrication ». Le soir venu, ils rapportent leur gain de la journée, et on leur donne
une commission de dix pour cent. Les produits
vendus par ces pauvres hères sont des plats tout
préparés que le revendeur transporte dans une
série de petites caisses qui s’emboîtent les unes
dans les autres, des sucreries et, enfin, un produit fumigène pour écarter les moustiques 49 .
Tous ces gens, qu’ils travaillent à leur proprecompte ou à celui de boutiquiers ou d’artisans,
vivent misérablement des quelques sapèques
que leur procurent leurs courses inlassables.
Beaucoup d’entre eux sans doute sont venus
récemment de la campagne.
Les amuseurs publics sont innombrables :
acteurs de petites scènes bouffonnes ou historiques, conteurs, joueurs de marionnettes ou
d’ombres chinoises, jongleurs, acrobates, funambules, montreurs de bêtes savantes, etc. Ils exercent leur art dans les « quartiers d’amusement »,
sortes de bazars couverts fréquentés par toutes
les classes de la société, sur les marchés et aux
abords des ponts.
Il en est qui viennent de la campagne au
moment des fêtes et qu’on voit alors, « sur les
ponts et dans les rues, traînant leur marmaille » ;
d’autres, dont la force exceptionnelle attire les
badauds, soulèvent, au son du tambour, poids de
fer, poutres de bois ou blocs de pierre. Ce sont
parfois d’anciens soldats, tel cet hercule jadis
célèbre à Chang’an (Xi’an), sous les Tang, qui
s’était fait tatouer sur les bras cette fière devise :
« Vivant, je ne crains pas le gouverneur de la capitale ; mort, je ne crains pas le roi des enfers 50 . »
C’est un fait notable : l’industrie de la distraction
occupe à Hangzhou un grand nombre de gens
du peuple. Cependant, les amuseurs publics ne
font leurs meilleures recettes qu’au moment des
grandes fêtes annuelles qui provoquent soudaindans la ville une intense activité commerciale de
jour et de nuit.
La prostitution est également très développée
à Hangzhou. A Cambaluc, la capitale mongole,
dont les murailles étaient légèrement décalées
vers le nord par rapport à l’enceinte actuelle de
Pékin (on peut en voir aujourd’hui encore les
vestiges), Marco Polo avait déjà été frappé par le
grand nombre des prostituées de cette ville cosmopolite. « De plus, dit-il, aucune femme pécheresse de son corps ne demeure dedans la ville,
mais toutes doivent demeurer dans les faubourgs. Et je vous dis qu’il y en a tant pour les
gens de passage que c’est merveille. Car je vous
dis pour certain qu’elles sont plus de vingt mille
qui font monnaie de leur corps. Et toutes trouvent
à gagner, si bien que vous pouvez voir quelle
grande abondance de gens il y a 51 . »
Plus rigoristes que les Chinois, les Mongols
avaient relégué les prostituées en dehors des
remparts de leur capitale. A Hangzhou au
contraire, la prostitution s’est infiltrée partout. Il
n’y a guère en effet de lieu public, cabaret, restaurant, hôtel, marché, « quartier d’amusement », place, ou abords de pont où l’on ne
rencontre par dizaines des femmes galantes. Un
contemporain donne la liste des quartiers et des
places où les prostituées de basse condition se
trouvent rassemblées en très grand nombre. Laville compte également des lupanars : « maisons
de chanteuses » et cabarets que signale une protection en bambou au-dessus de la lampe de
l’entrée 52 .
Il est difficile d’assigner une place définie aux
prostituées dans la société de Hangzhou. En fait,
la constitution de leur groupe doit être une
réplique assez exacte de la société urbaine. Leur
origine populaire et la vie assez misérable d’un
grand nombre d’entre elles invitent à les classer
parmi les gens du peuple. Mais on rencontre
chez elles tous les degrés de pauvreté et de
richesse. Certaines, analogues aux geishas de
l’ancien Japon, sont des courtisanes célèbres et
parvenues qui vivent dans le luxe le plus raffiné
et ne fréquentent que les gens des hautes
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