La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
maladie qui atteint alors l’économie chinoise. L’excès de sa population traduit l’hypertrophie du commerce et le développement sans
mesure des activités de luxe aux dépens de la
production des biens de première nécessité.
Pauvres hères qui s’évertuent tout le long du
jour à satisfaire les exigences de leur maître ou
de leur patron, transporteurs, prostituées, petits
revendeurs qui s’installent au coin des rues,
amuseurs publics, filous, voleurs et mendiants,
tous les gens du peuple, à Hangzhou, peuvent
être définis par un trait commun : ils ne disposent pour subsister que de leur force ou de
leur astuce. Il y a chez eux des trésors de
patience et de courage, de ruse et d’habileté. La
lutte est rude, car si les capitaux sont rares et
apportent beaucoup à leurs possesseurs, en
revanche, la main-d’œuvre surabonde, et le travail est toujours très mal payé.
L’abondance et le bon marché de la main-d’œuvre ont eu pour effet une extraordinaire
spécialisation des métiers. Il y a là comme un
luxe qui est en contradiction avec le niveau de
richesse et le niveau technique atteints par laChine à cette époque. Le marché du travail est
d’ailleurs remarquablement organisé grâce
aux corporations, qui jouent le rôle de bureaux
de placement. C’est à elles que s’adressent
employeurs et employés, car on ne conclut
aucune affaire sans recourir à un intermédiaire
(et il est probable que les corporations ne permettent l’exercice indépendant d’aucun métier).
Grâce aux chefs de corporation, commerçants et
gens des hautes classes peuvent se procurer à
Hangzhou des gérants de maisons de prêts sur
gages, de boutiques d’alcool, de restaurants, de
pharmacies, des intendants de grande maison,
des jardiniers, des secrétaires, des comptables,
des cuisiniers, des spécialistes de l’éclairage et
du chauffage. Certains bureaux proposent même,
à court terme sans doute, des concubines, des
danseuses, de jeunes garçons chanteurs (notons
que la pédérastie est courante et tolérée), des
brodeuses, des porteurs de chaises et des gens
d’escorte pour les personnes de la haute société
qui partent en voyage, retournent dans leur pays
d’origine, se promènent pour étudier, ou pour les
fonctionnaires qui vont prendre possession de
leur poste 44 .
La richesse des grandes familles et des marchands parvenus constitue pour la masse des
pauvres gens des pôles d’attraction : la plupart
des hommes du peuple sont gens de maison ou
clients des riches. Princes impériaux, hauts etmoyens fonctionnaires, riches armateurs, possesseurs de grosses fortunes terriennes entretiennent dans leurs vastes résidences ou dans
leurs riches demeures une foule de dépendants.
C’est signe de réussite sociale que de disposer
d’un nombreux personnel, et même les courtisanes enrichies se font accompagner d’une suite
de servantes, si l’on en croit Marco Polo. Les
plus riches familles, celles des princes en particulier, ont leurs propres artisans : joailliers,
sculpteurs sur ivoire, brodeuses… Elles ont
aussi leur milice privée, et le personnel de
chaque grande maison est réparti en différents
services. C’est ce qu’on appelle à Hangzhou
« les quatre offices et les six bureaux ». Les
quatre offices comprennent les préposés au
mobilier (sièges, tables, rideaux, stores, nattes,
tentures, paravents, peintures et calligraphies) ;
les préposés aux alcools et aux thés ; les préposés à la vaisselle et au service des banquets, les
maîtres de protocole qui vont au-devant des
hôtes, s’occupent des invitations, des cérémonies de mariage et des funérailles ; les préposés à
la cuisine et les aides-cuisiniers. Les six bureaux
ont des tâches plus précises et plus limitées :
décoration des plats, achat des fruits, achat des
mets qui doivent accompagner les alcools, éclairage, achat des encens et des parfums, des médecines, chauffage, nettoyage et décoration des
pièces 45 .
Cette domesticité très nombreuse ne constitue
pas cependant à elle seule toute la clientèle des
grandes maisons. Il existe en effet, au-dessus
d’elle, toute une classe de personnes plus indépendantes qui sont entretenues de façon permanente ou temporaire par les grandes familles en
raison de leurs talents de société ou de leurs
connaissances particulières : précepteurs, conteurs
d’histoires anciennes ou modernes, chanteurs de
poèmes, joueurs de cithare, joueurs
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