La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
éloges : il faut croire que, d’ordinaire,
la jeune femme dont le mari est mort prématurément retourne dans sa famille d’origine.
Les motifs traditionnels de répudiation sont
les suivants, et l’on remarquera que l’ordremême dans lequel ils sont régulièrement cités et
la nature de quatre d’entre eux impliquent que
les rapports de l’épouse avec les parents de son
mari importent tout autant sinon plus que sa
conduite en tant qu’épouse. Ce sont : le manque
de piété filiale à l’égard des beaux-parents
(désobéissance, injures et coups), la stérilité (qui
menace la perpétuité du culte ancestral), l’adultère, la jalousie, les maladies qui empêchent de
participer au culte des ancêtres et au nombre
desquelles il faut sans doute compter l’épilepsie,
le bavardage et le détournement des biens de la
belle-famille. Cependant, ces motifs perdent leur
valeur si la femme n’a plus de parents, si elle a
déjà porté le deuil du père ou de la mère de son
mari et si son époux est devenu riche alors qu’il
était dans la misère au moment du mariage. Fait
notable enfin, le divorce par consentement
mutuel est admis : le mariage n’est pas en effet
un lien indissoluble, malgré la solennité qui l’accompagne, et n’est confirmé par aucune sanction
de caractère religieux 35 .
La pudeur, la chasteté, la fidélité conjugale et
la piété filiale à l’égard des beaux-parents sont
les vertus féminines les plus appréciées. Ces vertus sont parfois poussées jusqu’à l’héroïsme, et
les fonctionnaires des provinces s’efforcent de
relever les cas les plus édifiants : tel celui de
cette fille de chanteuse de Luoshan, au Sichuan,
qui avait été mise en nourrice et élevée dans unehonnête famille et qui préféra se donner la mort
plutôt que de vivre du métier honteux auquel sa
mère voulait la contraindre 36 ; tel encore celui de
cette épouse qui, pressée par les siens, se pendit
plutôt que d’abandonner un mari ivrogne,
débauché, adonné au jeu et, pour finir, condamné
à une peine infamante, ce qui était là pour elle
un motif suffisant de divorce 37 . La cour rend des
honneurs officiels à ces héroïnes. Cette morale
féminine est en effet encouragée par l’Etat. Mais
c’est dans les provinces reculées et dans les
campagnes qu’elle règne avec le plus de rigueur.
Filles, mères et fiancées infidèles sont jetées à la
rue sans pitié. Un auteur rapporte qu’une jeune
fille d’un village du Jiangxi fut ainsi chassée par
son père, puis vendue comme domestique dans
une localité voisine. Elle s’enfuit dans les montagnes et s’y fit passer pour une déesse. Comme
la Fille aux cheveux blancs de l’opéra chinois
moderne, elle vécut des offrandes de ses fidèles 38 .
Au besoin, on a parfois recours à des drogues
abortives. C’est de cette façon que se fit avorter
une jeune villageoise qui avait eu des rapports
avec un démon à forme humaine (on s’aperçut
après coup que ce démon n’était autre que le
vieux chien jaune des voisins 39 ).
On le voit, les mœurs sont généralement très
sévères, hostiles à tout écart de conduite chez la
femme. On exige d’elle une chasteté irréprochable avant son mariage et, une fois mariée,fidélité à son mari et soumission à ses beaux-parents. Si sa fortune le lui permet, son mari est
libre d’acquérir une ou plusieurs concubines et
elle doit accueillir ces rivales sans leur témoigner la moindre jalousie. Cependant, ce qu’on
appelle assez improprement polygamie, puisqu’il n’y a jamais qu’une épouse en titre, n’est
répandu que dans la haute société et peut-être
aussi chez les riches marchands : les gens des
classes moyennes et plus encore ceux du peuple
ne sont généralement pas assez riches pour
entretenir plusieurs femmes.
Si la morale traditionnelle est si stricte à
l’égard de la femme, elle a subi en revanche
bien des adoucissements en milieu urbain et particulièrement à Hangzhou. Voici un fait qui en
dit long sur la conduite des dames de cette ville :
les femmes de la région de Hangzhou et de
Suzhou, dit un auteur, sont si coquettes et si
gourmandes que leurs maris, quand ils sont
pauvres, ne peuvent subvenir à leurs besoins.
Aussi beaucoup préfèrent-ils fermer les yeux sur
leur conduite et ils leur permettent d’avoir des
amants. Ceux-ci sont appelés « maris de complément ». Certaines dames ont ainsi jusqu’à
quatre ou cinq amis et celles qui
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