La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
spécialiste de la chicane qui est plein de tours malhonnêtes. Cet ouvrage débute par les écrits
calomnieux et il enseigne à en fabriquer. Il
continue avec les accusations mensongères et
termine sur les procédés pour pousser les gens à
commettre des délits et avoir ainsi le moyen de
les faire chanter. Ce livre, ajoute notre auteur
(mais peut-être n’est-ce là que simple exagération ?), est même enseigné dans les écoles de
villages 26 .
Il est sûr que les lettres tiennent une moindre
place dans l’éducation des filles que dans celle
des garçons, mais elles n’en sont pas toujours
absentes ; les femmes lettrées et poètes ne sont
pas inconnues. L’un des plus grands poètes de
l’époque des Song, Li Qingzhao (1081-1140),
fut une femme. Il y a même des petites filles
prodiges, telle cette fillette de sept ans qui fut
appelée à la cour par l’impératrice Wu Zetian(685-704) et reçut l’ordre d’improviser un
poème sur le thème de l’adieu à ses frères. Le
voici :
Au pavillon de la séparation, les feuilles s’envolent
soudain.
Sur le chemin de l’adieu, les nuages s’élèvent tout
d’un coup.
Ah ! comme je regrette que les hommes ne soient pas
comme les oies sauvages
Qui font route ensemble 27 .
Cependant, on apprend surtout aux fillettes à
filer et à broder : la confection des tissus est
l’apanage traditionnel des femmes. Celles qu’on
destine à la vie galante apprennent à chanter et à
jouer de divers instruments de musique. Sauf,
parfois, dans les classes populaires, les femmes
n’exercent pas de métier. L’éducation essentiellement pratique qu’elles reçoivent est en rapport
avec leur état permanent de dépendance et la
place subalterne qu’elles occupent dans la
société.
LE MARIAGE ET LA CONDITION DE LA FEMME
Une cérémonie qui a lieu au moment de la
fête des morts, au début d’avril, marque le passage des garçons et des filles à l’état adulte.
C’est, pour les premiers, l’imposition du bonnetdans le courant de la vingtième année et, pour
les secondes, le port des épingles de tête, à
quinze ans.
A quel âge se marie-t-on ? En milieu urbain,
même chez les gens du peuple, il ne semble pas
que les mariages aient lieu avant le moment de
la formation. Mais les unions précoces doivent
être plus courantes à la campagne où il arrive
que le futur gendre soit adopté dès son enfance
par ses futurs beaux-parents. Quant aux jeunes
gens des hautes classes et aux fils de riches
marchands qui mènent souvent une vie très libre
ou restent occupés assez longtemps par leurs
études, il est probable qu’ils n’entrent en
ménage qu’aux environs de la trentaine. La
femme a généralement quelques années de
moins que son mari 28 . Elle n’est jamais beaucoup plus jeune, car les mœurs sont hostiles à
ce qui pourrait impliquer une confusion des
classes d’âge.
Le mariage est conçu avant tout comme un
moyen d’alliance entre familles. Pour les empereurs et leurs proches, il relève tout naturellement de la haute politique et de la diplomatie.
Nombre de princesses chinoises au cours de
l’histoire furent données comme épouses à des
princes barbares que les souverains chinois souhaitaient s’attacher. Mais ce n’est pas seulement
à la cour que le mariage apparaît avec cette
fonction politique : il n’y a pas, pour les grandesfamilles, de procédé plus efficace pour accroître
leur prestige et leur puissance que le recours à
de judicieuses alliances matrimoniales. Dans
certaines régions de la Chine du Nord au XII e siècle, une pratique courante consistait à
célébrer l’union fictive d’enfants décédés lorsqu’ils auraient été en âge de se marier : c’est la
preuve que le mariage intéresse au premier chef
les familles 29 .
Un usage assez curieux montre combien les
familles de la haute société, à Hangzhou, se souciaient peu de dissimuler leur intérêt pour les
beaux partis. Il arrivait souvent en effet que des
familles influentes de la ville fissent enlever de
force les candidats qui étaient sortis en tête de
liste aux concours officiels de la capitale pour
le recrutement des fonctionnaires. On raconte
qu’un jour l’un de ces heureux candidats se
laissa enlever sans résister le moins du monde
par une douzaine de domestiques. Ils l’amenèrent dans la maison d’une famille puissante et
riche, au milieu d’une nombreuse assistance.
Une jeune fille vêtue d’or et de pourpre
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