La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
sortit
alors des rangs et lui déclara sans ambages : « Je
suis fille et pas trop laide. Je désire devenir votre
épouse. Etes-vous d’accord ? » A ces mots, le
prisonnier salua très poliment et répondit, au
milieu des éclats de rire de l’assemblée, que
c’était pour lui beaucoup d’honneur que de fouler le sol d’une aussi noble maison, mais qu’ilaimerait bien rentrer un moment chez lui pour
discuter du cas avec sa femme et voir ce qu’il
conviendrait de faire 30 .
Même dans les milieux populaires, le mariage
reste une affaire de famille. Chez les plus
pauvres, son objet immédiat est de nature économique : les parents âgés et sans ressources
ont intérêt à marier leur fille afin d’être entretenus par leur gendre. Inversement, les beaux-parents qui ont su choisir une bru douée de
piété filiale sont assurés d’être entourés de
soins sur leurs vieux jours. Ainsi le mariage
prend-il bien souvent l’aspect d’une sorte d’assurance sur la vieillesse pour les parents ou
beaux-parents. Il arrive pourtant, surtout dans
les plus basses couches de la société, que les
unions répondent aux penchants des intéressés
eux-mêmes. Romans et contes de l’époque des
Song mettent parfois en scène des femmes du
peuple qui se marient de leur propre initiative
et sans même consulter leurs parents 31 . Voilà un
indice parmi d’autres de la liberté de mœurs
qui existe dans les classes populaires en milieu
urbain. Mais, à vrai dire, il s’agit là plutôt
d’union libre que de mariage à proprement parler. En règle générale, fiançailles et mariage
forment une longue suite de cérémonies et
d’échanges de présents dont le nombre et la
nature sont fixés par la coutume et sont chargés
de significations symboliques.
Ces rites, qui sont évidemment observés avec
plus de rigueur dans les hautes classes, varient
d’une région à l’autre. A Hangzhou, on s’efforce
d’imiter les pratiques en usage autrefois à
Kaifeng, la capitale des Song du Nord. Cependant, on constate quelques différences de détail
et un fait important qui est en contradiction avec
les coutumes de Kaifeng : alors que les pourparlers de mariage sont déjà engagés entre les
familles, les fiancés sont mis en présence l’un de
l’autre. Si celle qu’on lui destine ne lui convient
pas, le fiancé est libre de rompre.
Comme toute affaire importante, le mariage
exige que l’on recoure à des intermédiaires. Ce
sont les entremetteuses. Leur costume diffère
selon leur rang. Ainsi, les entremetteuses de première classe, qui interviennent dans les mariages
des personnes du haut mandarinat ou de la
noblesse, portent un voile sur la tête et une veste
de couleur pourpre. Celles de seconde classe ont
un bonnet, une enveloppe de chignon jaune, une
veste ou parfois une jupe ample, et se déplacent
avec une ombrelle verte. Elles vont toujours
deux par deux 32 . Dès que les parents sont entrés
en rapports, la famille de la jeune fille fait
remettre par les entremetteuses une carte portant
le nom et la date de naissance de la fiancée
éventuelle. Cette carte est transmise par la
famille du futur fiancé à un devin qui juge du
caractère faste ou néfaste de l’alliance. Si lesconclusions du devin sont favorables, les
familles procèdent à un échange de cartes définitives : celle du fiancé porte la liste des fonctions
officielles détenues dans la famille au cours de
trois générations, les noms interdits (noms personnels des parents et grands-parents qui ne
doivent être écrits en aucun cas), le numéro
d’ordre du fiancé (est-ce l’aîné, le second, le
troisième, etc.?), ses fonctions administratives,
sa date de naissance à l’heure près, une mention
indiquant quel est le chef de famille actuel, dans
le cas où les parents sont décédés, et si le fiancé
est un fils adoptif, enfin, une liste des biens qui
seront attribués au fils lors de son mariage (or et
argent en lingots, terres cultivables, maisons et
villas, jardins). La carte envoyée en retour par la
famille de la fiancée porte son numéro d’ordre et
sa date de naissance ainsi que le détail de la dot :
ornements de tête, perles, bijoux de tout genre,
rideaux et tentures, champs, maisons et jardins
affectés à la dot.
Les entremetteuses fixent un jour faste pour
l’échange de ces cartes qui sont présentées dans
des plats décorés de tissus de couleurs vives. La
famille du fiancé choisit alors un autre jour de
bon
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