La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
ceux de la thérapeutique. L’examen
du visage ou celui du pouls, science dans laquelle
les Chinois sont passés maîtres, permettent à un
médecin expérimenté d’identifier immédiatement la maladie. Un grand nombre de types de
pulsations ont été relevés dont chacun correspond à une affection déterminée.
Voici comment, au dire d’un auteur de la première moitié du XII e siècle, sont produits les
ulcères des jambes. Cette affection, note-t-il
tout d’abord, est très rare dans la Chine du
Nord-Ouest, très fréquente au contraire dans le
Sud. Pourquoi cela ? C’est que les habitants de
la Chine du Sud aiment boire de l’alcool en
mangeant des poissons salés. Or, le goût salé
(l’une des cinq saveurs fondamentales) a pour
vertu de faire descendre le sang dans les parties
inférieures du corps. Le poisson produit une
légère fièvre et a tendance à provoquer la formation d’ulcères. Quant à l’alcool, sa levure et
l’aconit qu’on y ajoute en très petite quantité sont
des poisons. Ces trois éléments (mauvais principes du sel, du poisson et de l’alcool) pénètrent
dans la rate par laquelle passent les deux veinesdu tibia, et c’est ainsi que se forment les ulcères
des jambes 46 .
Quant aux procédés de guérison, ils consistent
en massages qui ne portent le plus souvent que
sur de très petites parties du corps (paume de la
main, dessus du pouce par exemple), en cautérisations faites avec de l’armoise, en piqûres
appliquées avec une aiguille d’argent en des
points du corps très précisément repérés, enfin
en drogues et breuvages divers. La chirurgie est
très imparfaitement développée et ne s’applique
guère qu’à la castration des eunuques, aux abcès
et aux fractures. Acuponcture, massages et cautérisation semblent d’un emploi moins fréquent
que les drogues. Ces médecines sont généralement à base de plantes et très complexes dans
leur composition. Une seule décoction peut
contenir, par exemple, jusqu’à vingt-quatre
ingrédients. Des substances animales ou minérales y figurent à l’occasion, ainsi la corne de
rhinocéros dont il est fait grand usage, les jades
ou les perles pulvérisés. Mais il existe aussi des
remèdes à base d’insectes : venin de crapaud
(qui a même effet que la digitale), vers de terre,
araignées, mille-pattes cuits et réduits en poudre,
etc. Telle recette pour guérir le paludisme préconise l’emploi de la mouche de chien : « Prendre
une mouche de chien. Lui enlever les pattes et
les ailes. La rouler dans de la cire de façon à en
faire une boulette qu’on prendra avec de l’alcoolfroid le jour de l’attaque. » La peau de serpent
peut être également efficace si le malade s’en
introduit dans les oreilles et en tient dans le
creux de ses mains 47 . Un ver qu’on récolte dans
les montagnes aux neiges éternelles d’Asie centrale sert à guérir « l’accumulation de fièvre » : il
est froid comme la glace et il a une saveur douce
comme le miel 48 .
Vers 1080, l’enseignement officiel de la
médecine, qui était auparavant réparti entre
trois branches : pulsologie, acuponcture et traitement des ulcères et blessures, fut divisé en
neuf sections. Leur énumération montre le haut
degré de spécialisation atteint alors par la
médecine chinoise : médecine générale et
grandes théories médicales (deux sections),
traitement des rhumatismes et des paralysies,
ophtalmologie, obstétrique, odontologie et
laryngologie, traitement des abcès et fractures,
acuponcture et moxibustion, traitement au
moyen de charmes et amulettes 49 .
La mention qui est faite dans cette liste des
procédés magiques de guérison indique bien que
la médecine chinoise n’est pas plus dans ses
théories que dans ses procédés thérapeutiques
une médecine de caractère scientifique. Cependant, en dépit de l’accointance qui existe entre
médecins, guérisseurs et magiciens, ce sont principalement des religieux, taoïstes ou bouddhistes, qui ont la spécialité des exorcismes, etcertains sont doués, notons-le, d’un réel talent de
guérisseurs. Ils ont recours à des charmes où
sont inscrits des dessins de genre cabalistique, à
des talismans que le malade doit porter sur lui
en permanence ou encore à des formules magiques
empruntées aux textes du bouddhisme ésotérique dit de Tantra. Pour chaque maladie, théories et remèdes varient sensiblement selon les
écoles médicales, et les malades n’hésitent
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