La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
habitent près
des monastères bouddhiques ont parfois des
moines pour amants 40 .
Mais tout est question de milieu social : de
pareilles mœurs ne seraient pas admises dans leshautes classes. Quoi qu’il en soit, les drames
conjugaux semblent rares et, au dire de Marco
Polo, les ménages chinois de Hangzhou respirent la bonne entente. C’est là sans doute un
des résultats de l’éducation. « Cette bienveillance mutuelle est si grande, dit Marco Polo,
qu’elle ne laisse place à aucune jalousie ni suspicion à l’égard de leurs femmes. Celles-ci sont
traitées avec le plus grand respect, et celui qui se
permettrait à l’égard d’une femme mariée des
paroles déshonnêtes serait regardé comme un
être infâme 41 . » Les mœurs, dans les classes
riches de Hangzhou, sont en effet à la courtoisie.
Mais la place de la femme varie d’un milieu
à l’autre.
Les dames de la haute société et les femmes
des riches marchands vivent d’une existence
oisive. Elles ne se montrent guère et restent
confinées le plus souvent dans leurs appartements. Leurs seules occupations, en dehors du
temps qu’elles consacrent à leur toilette et à la
direction générale du ménage, sont les jeux de
société et la broderie. Au contraire, les femmes
des petits commerçants participent activement
à la marche des affaires. Elles tiennent les
comptes, servent les clients. Il arrive même que
certains restaurants soient gérés par des femmes
seules. Les métiers féminins sont, il est vrai, peu
nombreux : sages-femmes, entremetteuses pour
les mariages, nourrices, domestiques de toutgenre. Mais il n’est pas douteux que, dans les
classes moyennes et inférieures, la femme
mariée joue un rôle économique important : par
là même, elle a, dans la famille, une autorité
égale à celle de son mari. Beaucoup possèdent
un sens inné du commerce. Elles sont pleines
d’initiatives et habiles conseillères. Leur puissance se fait même parfois tyrannique : le type
de la harpie ou de la mégère n’est pas inconnu.
Pour finir, il nous faut dire un mot des rapports entre les sexes. Les contes de l’époque des
Tang et de celle des Song fourniraient maints
exemples de coup de foudre et d’amour-passion.
La femme fatale, capable de « renverser un
royaume » selon l’expression chinoise, la coquette
qui ruine ses soupirants sont des types littéraires
très répandus. Mais l’amour paraît garder en
toute circonstance une forme impersonnelle,
même lorsqu’il est le plus émouvant : son expression la plus parfaite se résume en une fidélité
héroïque des fiancés ou des époux. Les beautés
chinoises les plus prisées à l’époque des Song
semblent manquer elles-mêmes de personnalité.
Comme sous les Tang ( VII e - IX e siècle), le type féminin idéal reste très sophistiqué. Les femmes de la
haute société et les chanteuses courtisanes font
un usage abusif des ornements de tête, des peignes,
des pendentifs de perles et surtout des fards, des
poudres et des parfums. On note pourtant unedifférence importante entre l’idéal féminin de
l’époque des Tang et celui des Song : on est
passé de la beauté d’apparat un peu lourde dont
la chevelure formait un édifice savant au-dessus
du front, qui faisait l’admiration des Chinois du
Nord au VIII e siècle, à un idéal de femme svelte,
légère et mignonne. Cette évolution du type
féminin répond sans aucun doute à une évolution parallèle des mœurs.
Par le luxe, la richesse, l’oisiveté d’une partie
de sa population, l’intensité de sa vie sociale, la
grande ville de Hangzhou constituait un milieu
particulièrement favorable au raffinement des
mœurs et aux progrès de la courtoisie. Mais ce
milieu favorisait en même temps le développement de la galanterie et de la luxure. Dans
les hautes classes lettrées apparaît une attitude
de pudibonderie hypocrite qui, loin d’exclure la
licence et le dévergondage, en est au contraire la
confirmation. Un auteur du début de l’époque
mongole nous apprend que les gens de la haute
société s’adonnent souvent, sur le tard, à des
pratiques dépravées. Non seulement, ajoute-t-il,
ces pratiques sont nuisibles à la santé, mais elles
empêchent la conception. Elles exigent en effet
l’usage de liens qui gênent le passage des
« souffles ». Que ceux qui ont soin de leur santé
fassent bien attention à cela 42 ! En l’absence de
ce témoignage, on se douterait cependant que
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