La ville qui n'aimait pas son roi
entreposés sur ordre des guisards.
Les soldats ne savaient se battre qu’en carré ou en ligne, piques en avant pour les piquiers, arquebuses sur fourquinespour les arquebusiers. Dans cette ruelle, assommés par les pierres, ils ne purent rien faire et se débandèrent pour éviter
d’être lapidés. Lorsque Olivier et Caudebec arrivèrent – ils suivaient Clément et sa troupe de clercs attirés par les cris
– une dizaine de soldats aux membres brisés jonchait le sol en demandant merci. Ils furent sauvagement égorgés par les écoliers,
leurs armes prestement ramassées et leurs cadavres dépouillés furent jetés en Seine.
Pour Olivier, ces scénes dépassaient l’entendement. Il avait vu les troupes royales, toutes bien équipées et bien commandées. Elles paraissaient invincibles et pourtant cette compagnie venait d’être taillée en pièces par des jets de pierres! Il prit conscience que la populace parisienne allait donner du fil à retordre aux troupes royales.
Déjà Clément et ses amis avaient filé vers le pont Saint-Michel. Ne voulant pas les perdre de vue, ils les suivirent, entourés
d’une foule joyeuse et fière de sa victoire. Un avocat cria devant eux en entraînant la populace :
— Courage, messieurs, c’est trop patienter! Allons prendre et barricader ce bougre de roi dans son Louvre!
Devant le pont, Crillon était parvenu à regrouper une partie de ses hommes et les avait rangés en ordre de bataille. Ils étaient
maintenant entourés par une populace hostile et vociférante. Au premier rang, Clément brandissait un coutelas ensanglanté.
Olivier et Caudebec ne pouvaient bien sûr se saisir de lui et restèrent donc à proximité à l’observer.
Sous les acclamations de la foule, des officiers de Guise s’approchèrent à cheval. Porteur d’un drapeau blanc, l’un d’eux
descendit et approcha Crillon. Il y eut même échange d’amabilités car ils se connaissaient.
— Qui est-ce? demanda Olivier à son voisin, un solide gaillard casqué d’un morion.
— Boisdauphin, un capitaine de Mgr de Guise.
Ainsi, c’était Urbain de Laval!
Olivier l’observa un instant, mais il disparut de sa vue, car il s’installa avec Crillon dans la baraque d’octroi. Pendant qu’ils négociaient, les gens se rendirent à la fontaine de l’abreuvoir Mâcon pour boire tant la chaleur devenait accablante.
Déjà les garces en robes rouges et chapeaux écarlates arrivaient, rejointes par les mendiants et les grinches. Puis ce furent
les marchands de pâtés chauds. Olivier en acheta quelques-uns. Il régnait un climat étrange, mélange de fête et de colère,
de plaisir bon enfant et de haine sauvage.
Enfin, des informations circulèrent. Crillon attendait les ordres du Louvre pour laisser le passage du pont. Comme le Petit-Châtelet
était fermé, on ne pouvait plus aller dans l’Île ou sur la rive droite.
Apprenant qu’on leur interdisait le passage, les écoliers menacèrent, puis lancèrent des pavés. Les gardes françaises refluèrent
vers le pont qui, rappelons-le, était bordé de maisons d’habitation. Soudain, retentirent des coups d’arquebuse. C’était les
habitants du pont qui tiraient par des trous de volets sur les soldats. Un homme tomba, puis deux, puis dix.
Crillon tenta de se replier vers la Cité en bon ordre mais les soldats se gênaient sur le pont étroit et n’avaient rien pour
se protéger des projectiles. Pire, ils découvrirent que l’extrémité du pont était barrée par des barriques. Ils se trouvaient
enfermés dans une nasse.
Les hommes tombaient les uns après les autres. Plusieurs levaient déjà les mains, pleurant et proposant de se rendre.
La honte au cœur, Crillon sortit un mouchoir blanc qu’il attacha à une pique.
Les tirs s’arrêtèrent et à nouveau Boisdauphin vint négocier, cette fois en compagnie du comte de Brissac 3 qui venait d’emporter le Petit-Châtelet avec une troupe de marchands de chevaux. Les deux officiers de Guise exigèrent le départ des troupes du pont ainsi que de celles des Suisses cantonnés
devant l’Hôtel-Dieu, mais encerclés de barricades.
Crillon demanda une nouvelle fois des ordres au Louvre et, en attendant, ses soldats restèrent l’arme au pied, devant le Marché-Neuf,
sans eau ni nourriture sous la surveillance de la foule hostile.
Sorti de chez lui, Nicolas Poulain prit la rue de Venise et gagna le cimetière des Innocents où on cantonnait
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