La ville qui n'aimait pas son roi
se dirige vers l’Angleterre?
— Comme tout le monde, mais croyez-vous que l’Espagne puisse vraiment conquérir l’Angleterre?
— Les derniers rapports que le roi m’a montrés font état de trente mille hommes embarqués sur ces navires. Cette effroyable armée, hélas bénite par notre pape, sera invincible. Pour l’instant le mauvais temps l’a contraint àattendre dans les ports espagnols, mais elle pourrait toucher les côtes anglaises avant la mi-août. Si les Anglais sont écrasés,
Navarre perdra son premier allié et l’Espagne fera la loi en France. Voilà la raison pour laquelle Sa Majesté ne veut pas
d’affrontement avec la Ligue.
Poulain ne dit rien durant quelques instants. Avec Olivier, ils avaient convenu de convaincre chacun cinq ou six compagnons
pour attaquer l’escorte du prochain convoi de trois cent mille écus. Ce devaient être des hommes n’ayant pas froid aux yeux,
mais surtout d’une loyauté absolue envers le roi de Navarre ou le roi de France. Cela faisait plusieurs fois qu’il songeait
à M. de Richelieu, sans toutefois se décider à lui en parler.
— Le duc de Guise a déjà reçu de l’Espagne deux chariots contenant près d’un million de livres en or, lâcha-t-il d’un ton indifférent.
— Peste! Qui vous a dit ça? Le roi d’Espagne a toujours promis plus de beurre que de pain!
— M. Hauteville – pardon M. de Fleur-de-Lis – avait eu connaissance de ces transports de fond par les services du roi de Navarre. Il a conduit une enquête à Paris; je ne l’ai pas aidé, car j’étais moi-même occupé avec la Ligue. Mais il a découvert que la première livraison avait été remise au duc en janvier. Il a vu la quittance signée. La seconde livraison a été faite le jour où le duc est venu à Paris, avant les barricades. Sans doute voyageaient-ils ensemble. Mon ami Olivier a suivi les chariots et leur escorte jusqu’à l’hôtel de Clisson.
Richelieu posa longuement son regard sur Nicolas.
— Un million à chaque fois! Croyez-vous qu’il y aura d’autres transports?
Poulain hocha lentement la tête de haut en bas.
— C’est de cela que je veux vous parler, monsieur…
Richelieu planta ses yeux dans les siens.
— La troisième livraison est pour début novembre. Nous avons prévu de nous en emparer, mais l’escorte serasans doute d’une vingtaine de gardes. Il faudrait que nous soyons au moins une grosse douzaine. Tous hardis combattants et
fidèles à nos rois.
— Nos?
— L’or sera partagé, tout comme notre troupe. La moitié pour le roi de France, l’autre moitié pour Navarre.
Richelieu semblait désapprouver cette idée.
— Vous avez réuni vos hommes?
— Pas encore. Il est difficile de trouver des gens loyaux… Accepteriez-vous d’en être?
Richelieu secoua la tête.
— Avec Olivier, nous avons prévu que chacun recevrait dix mille écus, ou que cette somme irait à sa famille pour ceux qui ne reviendront pas. Le reste ira aux rois.
— Je suis avec vous, dit lentement Richelieu, bien que je n’aie guère envie d’enrichir le roi de Navarre, mais en attendant, prions pour que Dieu nous sauve de l’invincible armada.
L’édit d’Union fut signé le 15 juillet et enregistré par les parlements de Rouen et de Paris. Le roi avait capitulé sur tout,
sauf sur son retour dans la capitale. Parmi les articles de l’édit, il y avait l’amnistie pour les actes de rébellion des
12 et 13 mai, la confirmation de l’élection de M. de La Chapelle comme prévôt des marchands, l’envoi de nouvelles armées contre
les huguenots, la promesse de nommer le duc de Guise lieutenant général du royaume, la nomination de M. de Mayneville au conseil,
et enfin la reconnaissance du cardinal de Bourbon comme successeur au trône.
Quelques jours plus tard, Richelieu informa Nicolas Poulain que M. de La Chapelle et ses échevins, assemblés au palais de
l’Île de la Cité dans la salle Saint-Louis, avaient exigé des parlementaires qu’ils rejoignent la Ligue. N’ayant pas le choix,
sinon celui de la prison, les magistrats qui n’avaient pas réussi à fuir Paris avaient juré.
Rouen devenant trop ligueuse, à la mi-juillet, le roi partit pour Mantes dont le château construit par Charlemagne était inexpugnable.
Nicolas Poulain le suivit en laissant toutefois sa famille sous la protection du cardinal.
Le 20 juillet, le comte de Soissons, accompagné de M. de Rosny, arriva à
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