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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cela ?
    — Trois
Lorrains, deux Bourbons et une Espagnole. Cela fait six prétendants, dit
Borderel en se caressant la barbe, n’est-ce pas prou ?
    — De
Lorrains, dis-je, je ne vois que Mayenne.
    — Et
Nemours.
    — Quoi ?
Ce béjaune ?
    — Il y
rêve, et sa mère, qui le préfère à son demi-frère Mayenne, y rêve aussi pour
lui. Cependant, étant femme avisée, elle garde deux fers au feu, et au cas où
Navarre serait victorieux, elle aimerait marier son préféré à la sœur dudit,
afin que Nemours, s’il n’est roi, devienne, du moins le beau-frère du
souverain. Raison pour quoi elle n’est point du tout si ligueuse que la
Montpensier.
    — Mais,
dis-je, si Nemours caresse ce rêve, pourquoi pas le fils de l’occis de Blois ne
le mignonnerait-il pas aussi ?
    — Le
jeune duc de Guise ? Mais il y pense ! Et M me de Guise sa
mère, plus encore. Tant est que, le jeune duc étant prisonnier de Navarre, elle
ménage, elle aussi, l’hérétique.
    — Quant
aux Bourbons, dis-je, je n’en vois qu’un : le comte de Soissons.
    — C’est
que vous oubliez, compère, le cardinal de Vendôme, qui est Bourbon aussi.
    — Eh
bien, dis-je avec un soupir, de ces six aspirants au sceptre, sur lequel
gagez-vous ?
    — Sur
l’Espagnole.
    — Quoi ?
dis-je, faisant l’étonné, une femme régner en France ? Et notre loi
salique ?
    — Qui
n’est pas une loi, mais une coutume, dit Borderel en riant. En outre,
Claire-Isabelle Eugénie est fille de France, étant petite-fille de Catherine de
Médicis.
    — Hé !
dis-je, cela ne serait rien, si elle n’était aussi la fille de
Philippe II.
    — C’est
là, en effet, sa principale force, dit Borderel, avec un sourire gaussant, et
son indubitable titre.
    — Je ne
sais, toutefois, repris-je, si le Parlement lui ferait si bonne face !
    — Se peut
que oui, si on la marie au jeune Guise ou à Nemours.
    — Je
vois, dis-je, avançant une patte et l’autre déjà sur le recul, qu’il y aura de
grosses traverses avant que les Français naturels aient un roi.
    — Cela
vient, dit Borderel en se caressant la barbe d’un air d’infinie sagacité, qu’on
a renoncé, dans le cas présent, au principe d’hérédité, lequel avait ceci de
bon qu’il ne suscitait point tant de grenouilles dans le marais coassantes.
    Ayant fait
cette remarque qui eût pu passer pour politique, si une oreille ligueuse
l’avait ouïe, Borderel m’envisagea d’un air à me faire entendre qu’il n’en
dirait pas plus, même en son propre logis, entre ses quatre murs, et bec à bec.
Ce silence perdurant, comme s’il eût voulu éclairer davantage ma lanterne, il
ajouta :
    — Ce
lundi, compère, un nommé Moret, que je connaissais un petit, a été jeté en un
sac à l’eau pour avoir dit tout haut qu’il serait bon de faire la paix avec
Navarre, pour peu qu’il se convertît. Ce mardi, Régnard, procureur au châtelet,
fut arrêté et serré en geôle ainsi que plusieurs autres, sur l’accusation
d’avoir voulu livrer la ville à Navarre. Et le jour suivant, ils furent pendus.
    — Quoi,
sans jugement ?
    — Oui-da,
compère, sans jugement, et sur le commandement des Seize, Dieu les
bénisse, ajouta Borderel d’un air qui démentait plus qu’à demi cet appel à la
bénédiction divine.
    Mais c’était
là, j’imagine, une prudentielle habitude qu’il avait dû prendre en public et
qu’il exerçait même en sa chacunière, de peur de s’en désaccoutumer : bel
exemple des violences exercées en ces temps sur les âmes (et sur les corps) par
ce ramassis de tyranneaux qui, usurpant les privilèges du roi et du Parlement,
nommaient aux offices publics, levaient les tailles, et expédiaient la justice.
    Nous en étions
là de notre entretien quand la dame du logis apparut, soutenue par deux
chambrières en ses pas et démarches. Assise par elles sur un cancan, elle me
fit, pour mes bonnes curations, ses mercis et ses grâces, d’une voix faible et
douce. Et à la vérité, au lieu de mourir d’inanition et de pintes de sang tiré,
elle n’était plus mourante que de sa maladie, qui, plus miséricordieuse que les
médecins, ne la consumait que lentement, avec des répits et des rémissions qui
lui donneraient, de loin en loin, à ce que j’augurais, l’illusion de la
convalescence ; illusion dans laquelle elle se trouvait de présent plongée
et que je ne lui voulus ôter pour rien au monde, puisqu’elle lui voilait la
gravité de son

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