Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
quoi je
souris, non que je décrus que mon Miroul craignît pour moi mais parce que même
alors, il ne pouvait résister à un giòco di parole, étant bien l’enfant
de son siècle.
    — Toutefois,
reprit-il, je ne peux croire que la Boiteuse pâtisse vraiment. Les grands
s’entraident entre eux.
    — Ha !
Miroul ! m’écriai-je, pas plus les grands que les petits ! Si du
moins j’en crois les récits atroces que me fit Ambroise Paré sur le siège de
Metz. Faim ne pense qu’à soi et ravale l’homme à l’animal.
    À une semaine
de là, j’appris par Pierre de L’Étoile que le prévôt des marchands et les
échevins, ayant fait le 26 mai une recherche générale des grains, et tout
ensemble un compte des manants de Paris, trouvèrent qu’il y avait dans la bonne
ville deux cent vingt mille habitants et assez de blé pour les nourrir un mois.
Quant à l’avoine dont on pensait qu’elle pourrait servir faute de pain, on en
trouva quinze cents muids [20] ,
ce qui était fort peu. Ce rapport fort déquiétant avait été gardé secret, mais
il transpira jusqu’à Pierre de L’Étoile dont les grandes oreilles se
faufilaient partout. Et dès qu’il me l’eut répété, observant que nous étions
déjà le 15 juin, j’envoyai Poussevent acheter tout le blé qu’il pourrait
trouver, et à vrai dire il en trouva, mais revint les mains vides et fort
effaré me dire qu’on lui avait proposé un muid, à raison de quatre écus le
setier 1 et qu’il mourrait plutôt que de le payer un prix pareil.
    — Niquedouille !
dis-je, tu mourrais assurément, et nous avec toi, si tu ne le veux payer ce
prix.
    Ayant dit, je
le renvoyai sans tant languir au marchand, mais cette fois accompagné de Miroul
et de Pissebœuf, et je fis bien, car sur le chemin du retour, quelques grains,
s’étant échappés par la couture du sac que portait Poussevent et ayant chu sur
le pavé, une demi-douzaine de pauvres hères, enflammés par cette vue, se jeta
sur eux bec et ongles pour leur rober leur précieux fardel. À quoi ils
faillirent, étant si affaiblis par la faim, et mes gens, si vigoureux. Mais
d’ores en avant, je leur commandai d’aller à la moutarde (ce qui en le jargon
de Paris veut dire faire ses emplettes) tous trois ensemble, à la pique du
jour, et armés de bâtons.
    Le
20 juin, j’achetai derechef un muid de blé, cette fois à six écus le
setier, lequel alla rejoindre la réserve que j’avais cachée dans le plancher de
ma chambre sous une trappe cadenassée.
    Le marchand
que j’ai dit vendait ce blé, non point au marché public, mais en grand secret,
en son arrière-boutique. Ce qui me donna à penser qu’il avait des intelligences
avec un officier royal qui le lui devait fournir en tapinois, la nuit,
par-dessus la muraille. Et Miroul m’ayant dit qu’il n’avait jamais vu chez lui
aucun homme qu’on réputât ligueux dans le quartier des Filles-Dieu, je conclus
que je devais d’être son chaland, à ce que je ne l’étais point, le compère
craignant, d’évidence, d’être par les zélés découvert et pendu. Et j’ose dire
que tout en déplorant que le rusé renard fît fortune sur le ventre de ses
frères, la pensée me chatouilla excessivement que les plus boutefeux de la
ville ne pussent acheter du blé, même à prix d’or.
    Je faisais
chaque jour moudre deux livres de ce blé, dans un petit moulin à bras que
j’avais au grenier trouvé, et Poussevent ayant pétri la farine avec tout le
son, j’attendais la nuit pour la faire cuire au fournil, huis et fenêtres bien
clos, afin que l’odeur n’alléchât pas nos voisins. Le jour venu, Poussevent
ayant posé le pain fraîchement cuit sur la table de la souillarde, non sans un
certain air de pompe, Miroul, en présence de moi-même et des deux arquebusiers,
tous quatre fort accoisés, et l’œil fiché sur ledit pain, en faisait quatre
parts miraculeusement équitables. Je dis miraculeusement, car Pissebœuf, qui
était de son naturel quelque peu vinaigreux, ayant un jour argué de quelque
inégalité dans les parts, je les mesurai avec une règle, mesure qui tourna à sa
confusion. De ce jour, Miroul fut notre grand panetier, et l’objet du respect
général, tandis que brandissant le cotel, et envisageant un instant le pain de
ses yeux vairons, mais sans jamais tracer sur lui de préalables lignes, tout
soudain il le découpait avec une rapidité, une élégance et une précision qui
nous laissaient béants, et pour

Weitere Kostenlose Bücher