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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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intempérie. Ce qui l’y confortait, c’était qu’elle avait repris,
en deux petites semaines, poids et forces, cependant, fort pâle encore et son
bel œil noir, où se lisait un grand appétit de vivre, brillant et quelque peu
fiévreux, ce qui n’était pas sans ajouter à ses charmes. Elle n’avait pas, à ce
que je cuide, passé vingt ans et retenait encore en sa naïve physionomie
quelques-unes des grâces de l’enfance, envisageant Borderel et moi-même qui
avions quasiment le double de son âge, avec un air de candide fiance, comme si
nos forces conjuguées avaient le pouvoir de la retenir de glisser plus avant
sur le chemin de la mort. Je vis que mon pauvre Borderel refrénait ses larmes,
mi de contentement de la voir mieux allante, mi de l’appréhension que ce mieux
ne serait que passager, comme je l’avais prévenu : secret qui pesait lourd
à son cœur.
    — Madame,
dis-je en levant la main, de grâce accoisez-vous et permettez-moi de vous
répéter ce que j’ai ouï des lèvres du grand Ambroise Paré : à savoir qu’on
peut parfaitement guérir d’une intempérie du poumon, pourvu qu’on se tienne en
repos, qu’on s’empêche de toussir, qu’on ne parle point et qu’on se nourrisse à
sa suffisance.
    — Je fais
tout cela, dit-elle d’une voix exténuée avec une petite moue d’enfant qui me la
rendit plus charmante, mais toutefois, ma fièvre continue de me ronger.
    — J’y ai
pensé, Madame, dis-je, et je vous ai apporté ce paquet de feuilles de saule,
desquelles je vous recommande de faire matin et soir une décoction contre votre
fièvre.
    À cela elle
fit de grands mercis, et plus encore Borderel, dès qu’elle fut départie,
soutenue par ses chambrières, tant est que ne sachant comment me témoigner sa
gratitude, il m’offrit de m’envitailler, si je venais à être à court de vivres
durant le siège : offre dont je mesurais l’immensité, chacun ne pensant
qu’à soi en le trouble des temps. Et sur ma réponse que j’étais bien pourvu, il
me félicita de ma prudence et me donnant au départir une forte brassée, tout
soudain, ses larmes lui coulèrent des yeux, dont son humeur, pour une fois, ne
démentait pas la tristesse.
    Pour moi, en
revenant de son logis, et tâchant de bannir de mon esprit le grand œil fiévreux
et les grâces languissantes de ma patiente, je tâchai de faire le tri des
choses que son mari m’avait dites, d’aucunes de moi connues et d’autres
déconnues. Quoi fait, je trouvai que la plus conséquente de ces choses touchait
à M me de Nemours dont je m’apensai qu’elle serait davantage pliable
à mon dessein d’obtenir passeport de son fils, puisqu’elle caressait l’espoir
de le voir marié à la sœur de Navarre et ne pouvait donc être aussi avant dans
la Ligue que la Montpensier.
    Celle-ci,
cependant, restait la grande trébuchure où je pouvais faillir, et de mon
dessein, et de ma vie. Car je ne pouvais me découvrir à M me de
Nemours sans que la Montpensier le sût, et comme elle rêvait d’autres projets
que sa mère, étant ligueuse encharnée et poussant Mayenne vers le trône réputé
vacant, il y avait apparence que pour contrarier les visées de M me de
Nemours, elle tâcherait d’occire l’intermédiaire entre la mère et le roi.
    Je conclus
donc que le moment de me dévoiler n’était pas encore venu et qu’il fallait
attendre que, le siège se prolongeant, la Boiteuse Cypris devînt moins assurée
de la victoire des siens, et disposée davantage à ménager le roi. Je fus, de
reste, conforté dans cette idée par la nouvelle que m’apprit Borderel deux
semaines plus tard et qui me laissa béant : la Montpensier avait désoccupé
les trois quarts de son domestique, et ne donnait aux gens qui lui restaient
qu’une livre de pain par jour pour tout rôt et potage, ne s’étant pas, quand il
fallait, envitaillée à suffisance, tant elle nourrissait une folle
fiance – la seule chose qu’elle nourrissait bien – en le prompt secours
de son frère et du duc de Parme.
    — Voilà,
dis-je à Miroul en le secret de mon cabinet, qui arrange fort mes affaires. Si
la Montpensier elle-même pâtit de la faim et que je lui apporte vivres,
ira-t-elle couper la main qui la nourrit ? On dit que ventre affamé n’a
pas d’oreilles. J’opine le rebours.
    — Ha !
Moussu, dit Miroul, vous refourrer sous les griffes de ce dragon ! Je
tremble pour vous ! C’est démone incarnée et ligueuse encharnée !
    À

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