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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tant
qu’elles n’eussent pu prendre place en ce carrosse, à moins qu’on ne voulût
considérer que les représentât toutes Pierre d’Épinac, archevêque de Lyon,
assurément le plus rusé, renardier et cauteleux ligueux de la création.
    Mais de
celui-là, qui était le quatrième en cet étincelant carrosse (qui paraissait
d’or sous ce soleil d’été) je ne parlerai qu’en dernier. De reste, étant le
seul Français en cette galère, laquelle comptait un prince du clan lorrain, un
Italien et un Espagnol, tous trois bien plus puissants que lui, il est juste
qu’ayant épousé contre son roi le parti des étrangers, il leur cédât le pas en
ce discours, mon propos étant, en ces lignes, de compléter par quelques touches
le portrait de ces funestes princes.
    Le terrible
Mendoza qui était le soleil de cette galaxie, ayant ordonné d’arrêter le
carrosse, quit d’un air hautain à un de ses officiers ce que faisaient là tous
ces faquins et ce qu’ils demandaient. À vrai dire, il ne prit pas l’air
hautain, il l’avait, étant doté de par sa nature et sa complexion d’un sourcil
sourcilleux, d’un œil noir perçant et d’un menton excessivement avancé (comme
celui de son maître Philippe II) lequel, par contrecoup, avançait aussi sa
lèvre inférieure en perpétuelle et dédaigneuse moue sur laquelle tombait un
long nez ibérique. Au demeurant, fort carré de sa membrature, la fraise haute,
austère et petite, le cheveu noir lui tombant roide jusqu’aux oreilles, la
moustache petite et cirée, et sous la lèvre du bas, une touffette de poils.
    En son côté en
ce rutilant carrosse, et lui-même rutilant en sa pourpre cardinalice,
s’encontrait le légat Cajetan, qui à ce Mendoza, comme je sus plus tard, était
lié par de telles connivences qu’il en arriva à faire la politique de l’Espagne
davantage que celle de son maître le pape Sixte-Quint, encore qu’il la fît à
l’italienne, doucement et finement, là où Mendoza eût employé le gant de fer.
Cajetan, quant à lui, était un homme d’une beauté romaine, tout de velours,
fort bien né, d’un esprit infini, suave en ses manières, mais fier en son for
et méprisant secrètement Sixte-Quint (qui en son jeune temps avait gardé les
pourceaux) et misant son propre avancement sur le triomphe du parti espagnol.
    Face à
l’Espagnol et à l’Italien, l’un tant arrogant et l’autre si chattemite, et en
flagrant contraste avec nos deux larrons, était assis le duc de Nemours dont,
sous le clair soleil, la claire face brillait, ayant le cheveu blond doré,
l’œil azur, les joues nordiques et cet air de vaillance (bien réel) et de
franchise (fausse) qui le faisait aimer du populaire à l’égal de François de
Guise, dont pourtant il ne descendait pas, étant fils de Nemours, et
n’appartenant au clan lorrain que par sa mère. Mais tout comme un Guise (qu’il
n’était pas), ambitieux à frémir, et prétendant, sans l’oser dire, à la
couronne de France, étant arrière-petit-fils de Louis XII.
    Aspirant, lui
aussi, mais ni à la couronne comme Nemours et Mendoza, ni à la mitre comme
Cajetan, mais au chapeau de cardinal, l’archevêque Pierre d’Épinac côtoyait le
blond Nemours en ce carrosse, et aussi noir que celui-là était blond –
d’œil, de poil, de peau et d’âme, ayant nourri avec sa sœur un commerce infâme
pour lequel Henri III, quasi publiquement, le blâma. Raison pour quoi il
avait conçu pour mon pauvre bien-aimé maître une haine inapaisable, inspiré
contre lui des libelles et conspiré indéfatigablement, tant est qu’arrêté à
Blois en même temps que Guise, et le cardinal de Guise, et n’ayant dû la vie
sauve qu’à l’intervention de son neveu, le baron de Lux, il sentit, redevenu
libre, sa haine redoubler contre Henri III qui l’avait épargné. Cependant,
comme si cervelle et cœur se fussent ignorés à l’intérieur de cette noire
enveloppe, l’une tirant à hue et l’autre à dia, ce méchant avait beaucoup
d’esprit, d’expérience, d’éloquence et de discernement : Vertus qui
faisaient de lui, au service de la Ligue, un conseiller infiniment sagace.
    Pour en
revenir à Zeus, j’entends à Mendoza, dès qu’il eut fait arrêter son carrosse
quasiment en face de la grande et belle horloge qui décore le palais, il
promena son olympien regard sur la multitude qui se pressait autour de lui, et
de l’air de morgue qu’il n’aurait pu, quand même il

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