Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
l’eût voulu, effacer de ses
traits, il demanda à l’un de ses officiers :
    — Que
hacen aquí estos ganapanes ? E que piden ?
    — Pán,
su Excelencia, dit l’officier.
    — Así
piden pán ! [21] dit Mendoza qui avait attendu orgueilleusement qu’on lui traduisît
« pain » par « pán  », pour entendre le mot huché
autour de lui par des milliers de bouches, alors qu’il savait le français aussi
bien que le castillan, et outre le français, l’anglais, l’italien et le latin,
étant un diplomate tout à plein accompli, quoique brutal.
    — Bernardino,
dit-il en s’adressant à un grand laquais aux couleurs du roi d’Espagne, qui se
tenait assis au côté du carrosse, etcha lès moneditas ! [22]
    Sur quoi ledit
Bernardino, puisant de sa large main dans un grand sac de toile, se mit à jeter
à dextre et senestre, dans la foule, des poignées de demi-sols, ce qui, à ce
que je vis, fit fort sourciller le duc de Nemours, pour ce que Mendoza,
usurpant le privilège du roi de France de frapper monnaie en son royaume, avait
osé, en Paris, forger de son autorité privée ces piécettes, et qui pis est, à
l’effigie du roi d’Espagne.
    À ce que
j’appris plus tard par L’Étoile, ce n’était point la première fois que Mendoza
ordonnait cette distribution et toujours avec succès, le populaire rampant à
ses pieds, le cul levé, pour ramasser ces demi-sols. Mais cette fois, la chiche
largesse de l’Espagnol faillit tout à plein.
    Car, bien loin
de se vautrer à croupetons devant l’arrogant Castillan, pour se disputer les moneditas à l’image de Philippe II, la multitude, chose inouïe, les
méprisa, ne se voulut même pas baisser pour les saisir, criant qu’elle n’avait
que faire de ces petites pécunes, qu’on ne trouvait rien à acheter pour un
demi-sol, ni pour un sol, ni même pour un écu, et que si on la voulait
conforter, et la retenir de mourir de verte faim, il lui fallait jeter, non des
clicailles, mais du pain. Et avec cette vivacité de cervelle des Parisiens,
ayant bien entendu le mot espagnol pour le vivre qu’ils réclamaient, se mirent
à hucher tous ensemble :
    — Pán, Señor, pán !
    Ce qui fit
sourire à la dérobée l’élégant Cajetan pour ce qu’il avait, je gage, trouvé à
part soi du ridiculeux dans l’affectation de Mendoza à ne pas entendre le mot
français que le peuple lui avait corné à l’oreille. Quant à Mendoza, il se
trouva fort offensé du dédain que le populaire opposait à ses moneditas, lesquelles
gisaient sur le pavé par centaines, l’image du roi d’Espagne souillée par la
poussière, et foulée par les pieds des manants. Et ne sachant que dire ni que
faire en son ire, contre ce peuple ingrat, il jetait sur lui, de toute sa
hauteur, des regards qui, s’ils avaient été balles et poudre, l’eussent
anéanti.
    Cependant,
l’archevêque de Lyon, très déquiété du péril qu’il flairait pour la poursuite
de la guerre, dans ce refus du bon peuple à ramasser clicailles – chose
que dans sa longue expérience, il n’avait jamais vue – s’étant penché en
avant et à voix basse entretenu avec Mendoza et Nemours, se leva de son siège
capitonné et se tenant d’une main à la porte du carrosse, il leva la dextre
pour réclamer le silence et cria d’une voix forte :
    — Bonnes
gens, nous entendons votre misère et nous allons aviser à la soulager
promptement. Allez en paix, regagnez vos logis, chacun en sa chacunière, et ne
perdez pas fiance en la sollicitude de notre Sainte Mère l’Église dans le bon
combat que vous menez avec elle contre les hérétiques !
    Ayant dit, il
appela la faveur du ciel sur la foule qui, en effet, se dispersa sagement
assez, et quasi contentée, étant nourrie à tout le moins par le pain de ses
bénédictions.
     
     
    Ayant perdu
tout espoir d’encontrer L’Étoile en cette grande masse de peuple, je fis
pourtant une autre encontre qui s’avéra féconde. Ayant repassé le pont aux
Changes et le Châtelet, je cheminais dans la grand’rue Saint-Denis, quand je
vis, marchant devant moi, un géantin laquais dont ni la taille, ni la dégaine,
ni la livrée ne m’étaient déconnues. Pressant alors le pas, pour me porter à sa
hauteur, je reconnus la bonne face carrée de Franz, le laquais de M me de Montpensier, à qui, comme on s’en ramentoit, j’avais, mû par quelque
compassion, baillé un écu pour ce que sa maîtresse l’avait fait fouetter à mon
occasion :

Weitere Kostenlose Bücher